Categories

A sample text widget

Etiam pulvinar consectetur dolor sed malesuada. Ut convallis euismod dolor nec pretium. Nunc ut tristique massa.

Nam sodales mi vitae dolor ullamcorper et vulputate enim accumsan. Morbi orci magna, tincidunt vitae molestie nec, molestie at mi. Nulla nulla lorem, suscipit in posuere in, interdum non magna.

Lieux communs sans paroles

Non, je n’oublie pas de parler de Spider, comme je l’avais annoncé dans un précédent billet sur mes larmes de joueuse émotive.

Spider est donc un jeu pour iPhone qui a été reconnu assez massivement je crois pour son gameplay bien pensé (notamment pour une interface tactile) et pour ses très jolis graphismes. Sans doute l’un des meilleurs jeux créés spécifiquement pour l’iPhone. Mais ce qui a également retenu l’attention des critiques et des joueurs, c’est son scénario. Pourtant dans un jeu où l’on incarne une araignée qui mange des mouches et tisse des toiles, c’était pas gagné.

La particularité de Spider et de son scénario, c’est qu’il est sans paroles. On visite le manoir Bryce, une salle après l’autre. On sait d’après le titre complet, que le manoir abrite un secret. Mais rien d’autre ne nous sera révélé directement. En tant qu’araignée on explore les salons, chambres, la cuisine, la cave… On tisse des toiles pour capturer des insectes et les dévorer. Rien d’humain ne semble nous intéresser. Mais le joueur derrière l’araignée, lui, reconnaît les objets, décrypte les photos, interprète ce que l’araignée ne peut pas comprendre. Ainsi on découvre une alliance tombée dans le trou de l’évier. Une photo de couple déchirée. Les trophées de championnats sportifs gagnés par deux frères, l’un toujours premier, l’autre second. Une robe de mariée qui prend la poussière, seule dans un placard.

Peu à peu, une histoire se dessine : une histoire de rivalité, d’amour, de trahison.

Le monde dans lequel on évolue semble déjà mort au moment où on l’explore : puisque le gameplay consiste à le couvrir de toiles d’araignée, on sait que quelque chose cloche, que la maison paraît abandonnée, comme d’un autre âge. Les toiles que l’on tisse ont quelque chose d’un linceul lorsque on regarde le résultat de la partie avant de passer au « niveau » suivant. Tout paraît inerte. Et c’est là que le scénario nous prend au dépourvu (attention spoiler ;) ) : au détour d’un saut d’araignée, on découvre une chaussure, une jambe de pantalon : quelqu’un est là ! Un homme dans un fauteuil. Puis on découvre le verre sur la table, le flacon de pilules renversé. L’homme est mort, sans doute s’est-il tué. On reconstitue le puzzle, on réécrit l’histoire des habitants. Je ne m’y attendais tellement pas que la découverte de cette triste fin m’a vraiment émue.

Une mise en scène très habile peut donner du sens à un simple gameplay. Comme dans la scène finale, devant le portail du manoir : l’araignée doit tisser une dernière toile entre les deux piliers, fermant ainsi symboliquement la porte du manoir sur son secret. Spider est réellement un petit bijou, car tout concorde, tout marche ensemble pour raconter une histoire.

J’ai réellement adoré ce jeu, et cependant je me pose tout de même une question. Est-ce que cette histoire sans paroles aurait fonctionné si le scénario n’était pas largement un cliché ?

Une rivalité entre frères, une femme qui séduit l’un puis épouse l’autre, une fuite des amants et le suicide du restant, un trio tout ce qu’il y a de déjà vu. Du coup il suffit de quelques éléments-clefs pour que l’on reconnaisse l’histoire : le médaillon avec les photos, les billets de train, etc. La mise en scène, aussi astucieuse et élégante soit-elle, aurait-elle réussi à raconter une histoire totalement inédite ? Je n’en suis pas sûre. Faut-il donc opter pour un scénario stéréotypé si l’on veut le raconter par le langage du gameplay ? Faut-il forcément qu’une partie de l’efficacité du storytelling repose sur la culture commune des joueurs ?

On pourrait prendre aussi l’exemple de Flower, expérience poétique qui a séduit de nombreux joueurs citadins. On joue un pétale de fleur, ou bien le vent qui pousse ce pétale, et on parcourt au fil des chapitres différents paysages. Une progression nous mène de la nature la plus verdoyante à un environnement urbain sali et rendu dangereux par des installations électriques noirâtres et menaçantes. Les pétales et leur vent joueur animent des éoliennes, colorent les prairies et repeignent les bâtiments, brisent les pylônes agressifs et redonnent du bleu au ciel.

Aucune parole ici non plus, mais tout le monde y a vu une fable écologique, qui prône l’énergie propre, un développement harmonieux et des villes qui laissent de la place au vivant. Bref un message réellement dans l’air du temps, pour ne pas dire à la mode. Ce qui ne le rend pas moins pertinent, bien entendu : pour ma part je crois qu’il n’y pas encore assez de fleurs, ni dans la vie, ni dans les jeux. Mais ce côté « message » rend tout de même le jeu plus facile à interpréter, voire à consommer.

Flower aurait-il été aussi bien accueilli s’il avait raconté quelque chose de moins universel, de plus personnel, ou de plus abstrait ? Imaginons le même gameplay, mais avec une boule de papier froissé portée par le vent. On aurait exploré des rues, peut-être des bureaux. On aurait peut-être pu suivre quelqu’un, et peut-être deviner son histoire, à la manière de l’araignée du manoir Bryce. Mais on serait quand même resté en position de spectateur un peu lointain, un peu détaché. Comme si on regardait des gens par la fenêtre, sans entendre ce qu’ils disent. La fenêtre qui revient entre chaque chapitre de Flower est sans doute un élément plus important qu’il n’y paraît.

Certes les histoires de Spider et de Flower sont au moins en partie des lieux communs, mais c’est aussi la raison pour laquelle elles ont ce quelque chose d’universel qui rassemble. Et dans les deux cas, la distanciation qui est mise entre le sujet et le joueur (incarner l’araignée ou le pétale plutôt que l’humain) nous donne le recul nécessaire pour reconnaître l’universel dans le cliché, la vérité dans la fable : des lieux communs, mais que l’on nous fait voir de loin, dont on nous oblige à nous détacher pour mieux les examiner. C’est cela surtout que je trouve si réussi et si émouvant dans ces deux oeuvres.

Une histoire de taille

J’ai profité du cycle Miyazaki sur Arte pour revoir Totoro en entier (je n’avais pas pu voir la fin à l’époque). Comme la dernière fois, j’ai pensé à mes explorations enfantines : en vacances à la montagne, j’avais trouvé, comme la petite du film, une sorte de tunnel de buissons entremêlés, un passage secret naturel vers un lieu forcément magique et mystérieux. On revenait chaque année au même endroit en vacances, mais bizarrement, je ne l’avais plus jamais retrouvé. A moins que ce soit mon regard qui ait changé ?

C’est finalement ça, le sujet du film : une histoire de distance, d’échelle, de taille. Quand on est petit l’univers s’arrête bien avant l’horizon. Un jardin est un monde, et on ne s’étonne pas qu’un « dieu » vive justement dans l’arbre près de la maison. L’Ailleurs est à peine concevable. Les herbes hautes sont une jungle, le tunnel de buissons est à la taille de la plus petite des filles, et le père a bien du mal à s’y faufiler. Il appartient au monde tel qu’un enfant le perçoit : un monde organisé selon quelques repères géographiques, la maison, l’école, le jardin, l’arrêt de bus.

Quand les filles plantent devant la maison les graines magiques offertes par Totoro, celles-ci se transforment le temps d’une nuit en un gigantesque arbre-monde qui vient surplomber la maison tel un parapluie. Pourtant au matin, les graines n’ont réellement produit que quelques feuilles, mais la joie des petites reste aussi grande. Une histoire d’échelle encore.
Ce qui est démesuré aussi chez Totoro, c’est son sourire énorme et ses yeux qu’il ouvre parfois tout ronds. Il a l’air d’exprimer une joie muette, complètement hallucinée, provoquée par des choses aussi insignifiantes que le bruit des gouttes d’eau sur le parapluie. Un presque rien qui a l’air de l’éclater complètement, et qui lui donne un petit air du chat du Cheshire (comme le chat-bus d’ailleurs).

Les fillettes sont, elles, comme deux Alice qui changent de taille au gré des événements : après être tombées dans le tunnel-terrier, auprès de Totoro elles sont grandes, elles volent au-dessus d’un arbre géant et contemplent ce qu’elles croient être le monde entier. Mais bientôt le monde adulte les rattrape et les voilà petites, si petites : leur mère est à l’hopital et la plus jeune décide de s’y rendre. La ville est loin, trois heures de marche, et quel chemin faut-il prendre ? Évidemment elle se perd au milieu de nulle part, et finit par s’arrêter pour pleurer : le monde est désespérément trop grand pour elle.

Heureusement Totoro et le chat-bus interviendront pour abolir les distances dans un ultime changement d’échelle, et permettre une fin pleine d’espoir.

On finit tous par grandir et par pouvoir parcourir le monde à grandes enjambées. L’important est de ne jamais perdre la faculté de percevoir les tunnels et les terriers autour de soi… et de savoir apprécier le bruit des gouttes d’eau sur un parapluie. ;)

A quoi rêvent les robots ?

… à des Donuts tout simplement. Cette pâtisserie d’éponge de graisse saupoudrée de sucre coloré, oui, ce truc immonde inventé outre-Atlantique, voilà pour quoi se damnent les hommes de fer blanc. Est-ce une loi secrète de la robotique ? Peut-être, car les robots semblent prêts à tout pour un bon donut géant.

Des « tin toys », de l’absurde et du kitsch pâtissier : c’est officiel, je suis fan de l’oeuvre de l’artiste Eric Joyner.

Le Joueur non-mort

… ou faut-il abolir le game over ?

Braid :

Tout le sens caché de l’histoire, à un premier niveau de lecture du moins, consiste à dire que l’erreur est bonne à prendre. Dans la vie on apprend de ses erreurs, et on est plus riche d’en avoir commises, aussi douloureuses soient-elles (la princesse ne semble pas disposée à pardonner). Les erreurs font partie des options, on tâtonne jusqu’à trouver la bonne façon de faire. On aimerait pourtant tellement pouvoir les effacer !
Dans le gameplay de Braid c’est la même chose : on essaie, on se trompe, on meurt. On appuie sur le bouton de « rembobinage » et on revient au moment précédent l’erreur, pour tenter autre chose. Mieux, il faut parfois obligatoirement passer par ces phases d’annulation des actions pour trouver la solution, puisque certains éléments sont insensibles à l’annulation. On crée alors une sorte de dimension alternative dans laquelle certaines choses sont la conséquence d’actions qui n’ont pas eu lieu. De quoi offrir un gameplay profond et plein d’énigmes, en défiant les traditions du jeu de plateformes.

Lego Indiana Jones :

… ou Star Wars, etc., mais Indiana Jones est mon préféré. A moins d’un excellent entraînement, voilà un jeu où on passe son temps à mourir, et où pourtant il n’y a pas de game over. Après tout, les personnages sont des bonshommes Lego, ils peuvent s’éparpiller en pièces de plastique et revenir à la vie la seconde d’après. :) Dans chaque niveau de jeu, il faut collecter un certain nombre de pièces spéciales ressemblant à des diamants ou des pièces d’or et d’argent ; cela remplit une jauge qui déterminera si vous avez l’étoffe d’un vrai aventurier / Jedi / etc. Chaque fois que son personnage meurt, on perd une bonne partie de ces pièces, ce qui réduit l’espoir de remplir la jauge avant la fin du chapitre. Mais c’est la seule pénalité, le jeu ne marque aucune pause en cas de mort, le héros démembré réapparaît presque aussitôt entier et vaillant pour poursuivre l’histoire. Ce procédé en fait un jeu très agréable à jouer : le joueur n’est pas pénalisé, ni coupé dans son élan. Il conduit l’histoire jusqu’au bout quel que soit son niveau, libre à lui d’y revenir pour améliorer sa performance. C’est aussi appréciable en jeu à deux, la mort de l’un ne risquant pas de pénaliser l’autre.


New Super Mario Bros. :

Traditionnellement, les jeux Super Mario ne pardonnent pas l’erreur. Ou si peu : on rétrécit le personnage qui a malencontreusement loupé une marche ou dérapé sur un goomba, on lui retire une « vie »… Mais au final si on se trompe une fois de trop c’est la mort irréversible, le game over et sa mise en scène punitive : musiquette narquoise, rire vainqueur du méchant, fondu au noir, vue de la dépouille du héros…
Pourtant la tendance actuelle chez Nintendo semble être l’ouverture vers un public novice et impatient : pas de long apprentissage des manipulations, pas de risque d’échec trop grand, pas d’itérations interminables du même niveau jusqu’à l’apprendre par coeur, en bref pas de risque de frustrer ou de lasser. Quelles innovations permettraient au joueur de Mario de ne pas mourir en boucle ? De quelle façon le gameplay d’un Mario peut-il être modifié en ce sens ?
En réalité, il ne l’est pas. Toujours le même système de décompte implacable du nombre de vies à chaque faux pas, toujours le même rétrécissement du héros pour figurer ses blessures, toujours le même game over. En revanche deux choses inédites ont été ajoutées. Premièrement si on joue à plusieurs, l’un des personnages peut se mettre à l’abri dans une bulle le temps de laisser les autres passer pour lui une étape difficile. En revanche si tout le monde se met en bulle, tout le monde meurt. Et deuxièmement, si on bute sur un niveau sans réussir à le passer, on peut à certaines conditions débloquer une « solution » : la façon de parvenir au bout est révélée, et on peut au choix retenter le niveau ou passer au suivant.
Dans les deux cas, il s’agit simplement d’esquiver une partie du jeu, de ne pas la jouer. Le gameplay conserve son côté un peu archaïque « subis ou passe ton chemin », sans créativité. C’est un peu dommage, mais peut-on vraiment toucher à la nature d’un jeu qui est un remake de la suite de la suite d’un classique ? Avec un peu d’audace, il y aurait tout de même sûrement de quoi inventer quelques variantes au canon. Après tout le monde de Mario est fait d’innombrables tunnels, dimensions parallèles, mondes cachés et warp points. Pourquoi ne pas imaginer qu’un Mario super trop rétréci par les attaques ennemies atterrirait dans un autre monde le temps de regagner de la force, à la façon d’Alice au pays des merveilles passant la petite porte après avoir bu le flacon. Ou au contraire le game over est-il un concept-clef à conserver ?