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Antidotes de saison

Article précédemment publié sur Merlanfrit


Fin de l’été. Les vitrines vendent des pulls et les cartables sont en solde. Même si on ne fait plus sa « rentrée », il y a ce petit souffle de mélancolie et de déprime dans le fond de l’air. C’est le moment de ressortir quelques jeux aux vertus réconfortantes imparables et au parfum doux-amer de saison.

Valeurs sentimentales

Pikmin, c’est un voyage d’exploration au pays des souvenirs d’enfance. Le petit cosmonaute et sa bande de radis pensants retournent chaque feuille de pissenlit et se faufilent sous les souches à la recherche de « trésors ». Les décors rappellent les vacances dans le jardin de Mamie – ou dans le terrain vague derrière l’école, c’est selon. On retrouve un vieux yoyo terreux, un chausson de bébé, des crayons de couleur, une décoration de Noël ou même une vieille disquette. Les trésors sont en plastique, un peu usés, abandonnés : ici on ne recherche pas d’épée de précision de la chouette +12, mais uniquement des objets à la valeur sentimentale. Pour le capitaine Olimar bien sûr, ces objets seront simplement revendus sur sa planète natale, mais pour le joueur terrien c’est un peu une deuxième vie qui leur est offerte – chacun d’eux se voit attribuer un nouveau nom et un nouvel usage. Une double-lecture pleine de douce nostalgie.


A jouer sur Wii ou GameCube en attendant Pikmin 3 sur WiiU. Préférer le 2 pour une meilleure maniabilité.

Boule antistress

Katamari Damacy est un jeu unique en son genre. Un air qui reste dans la tête, une direction artistique incroyable et un gameplay mono-feature simplement génial. Pour plaire au roi du Cosmos, on roule des mondes en boule. On commence par rouler des boulettes en agglutinant sous les meubles des boîtes d’allumettes et des bonbons ; puis on change peu à peu d’échelle et on ajoute à notre boule les meubles, le chien, toute la maison elle-même puis des villes entières dans un roulage vertigineux et hypnotique. Il y a quelque chose de littéralement thérapeutique dans le fait d’attraper tout ce qui passe et de le coller sur sa boule géante, sans se préoccuper de rien. On commence par être bloqué par le moindre objet, on se cogne, on fait des détours, et puis finalement on devient plus puissant : bibelots, enfants, adultes, véhicules, tout y passe, comme si on pouvait ramasser tout ce qui nous fait obstacle dans la vie, tout ce qui nous dérange, et tout rouler en boule avant de tout balancer à la corbeille cosmique. Chaudement recommandé en période de déprime.


L’original est sorti sur PS2 ; toutes sortes de versions sont disponibles sur des plateformes plus récentes (ici Beautiful Katamari sur Xbox 360).

Coloriage gauchiste

De Blob nous propose un scénario gentiment subversif : la révolution par la couleur, contre la tyrannie de la grisaille. Le pays est occupé par les sbires du Comrade Black, tous les immeubles sont blancs, les arbres sont blancs, les gens sont enfermés dans de petits costumes-capsules gris et obligés d’effectuer toute la journée des tâches rébarbatives dans des bureaux tristes. Ça rappelle quelque chose ?… Le joueur peut alors incarner le blob de peinture sauteur qui rendra vie à la ville. Dans une logique qui rappelle le « street art » et les graffitis contestataires, on réveille chaque lampadaire et chaque mur de teintes vives, chaque couleur provoquant des sonorités différentes qui viennent s’ajouter au thème musical. Par la magie de la peinture, on transforme les prisons en cinémas et les puits d’encre en piscines publiques. Sous nos pas, l’herbe redevient verte, le silence et la grisaille laissent place à des quartiers pleins d’animation et de musique. La révolution, simple comme un coloriage ? Faire durer le temps des vacances et de la liberté, une utopie à laquelle il est doux de croire.

En plus les cinématiques des deux épisodes sont d’un tel niveau qu’elles pourraient constituer des courts-métrages indépendants :

Voir l’une des cinématiques de De Blob

Note : De Blob 2 possède un mode coop.

Bonus pour la route : Costume Quest, un cache-cache dans les feuilles mortes.

Greenlight, le rêve américain et le paywall

Article précédemment publié sur Merlanfrit

Le lancement de Greenlight sur Steam suivi de la mise en place d’un « paywall » a généré un flot de réactions des plus enthousiastes aux plus exaspérées, et apporté un éclairage pas toujours flatteur sur les fractures au sein de la « scène indie » – au point qu’on peut se demander si cette appellation veut vraiment dire quelque chose.

Steam étant devenu de facto une plateforme majeure pour le jeu PC dématérialisé, le principe du nouveau programme – permettre à la communauté de voter pour les jeux qu’elle souhaite y voir publiés– avait de quoi susciter l’engouement des développeurs les plus modestes. C’était une occasion inespérée de trouver plus facilement son public, aussi niche soit-il, plus facilement en tout cas qu’avec un plan com qui se résumerait à tweeter des news à une poignée de followers ou à écrire à des journalistes déjà submergés. Bien sûr le côté « concours de popularité » n’est pas fait pour tout le monde, et on sait très bien que certains en tireront davantage profit que d’autres. Le système risque aussi de favoriser les projets qui joueront sur des effets de mode ou sur la nostalgie des joueurs (l’un des premiers jeux validés est un remake HD de Half-Life). Mais que le jeu soit distribué ou pas, c’est déjà une vitrine extrêmement efficace, le genre avec des néons qui clignotent autour.

Greenlight a donc été immédiatement victime de son succès : dès le lancement, la plateforme a été inondée d’innombrables soumissions dont la plupart étaient à peine des jeux, parfois de simples concepts mal fichus ou des bidouillages d’amateurs, et pour certains de purs trolls grossiers. Cela dit, rien d’inhabituel ou d’étonnant quand on ouvre ses portes à l’internet tout entier. Cette situation a alors conduit Valve à prendre la décision de la discorde : demander aux candidats de payer un forfait de 100 dollars pour pouvoir accéder à Greenlight.

Dans leur idée, ceci devrait permettre d’en écarter les trolls et personnes pas sérieuses. Et pour rendre l’opération plus sympathique aux yeux du public, ils ont précisé que tout l’argent perçu sera reversé à une association caritative aidant les enfants hospitalisés. De ceci on peut donc déduire deux choses : Valve n’a pas besoin de cet argent pour financer et maintenir Greenlight ; et Valve n’a pas l’intention d’utiliser cet argent pour payer des gens dont le rôle serait de faire un tri éditorial dans les projets acceptables ou non.

Si tout le monde s’accorde à dire qu’il est en effet nécessaire de ne pas laisser étouffer les bons projets sous une masse de cochonneries, beaucoup de voix se sont élevées pour contester le bien-fondé de cette barrière économique. Certains ont rappelé qu’il existe des gens pour qui 100 dollars est une somme exorbitante, surtout quand il s’agit de payer pour figurer dans un simple concours sans assurance d’être finalement distribué. La pauvreté existe, même chez les développeurs de jeux. Le jeu indépendant n’est pas fait que de « success stories », bien au contraire. On peut avoir créé un jeu qui marche et être tout de même obligé de retourner vivre chez ses parents. Selon le système de protection sociale de son pays, il suffit parfois d’une grave maladie pour se retrouver sous l’eau. Et puis tous les développeurs du monde n’ont pas le niveau de vie qu’on connaît aux États Unis. Est-ce qu’au moins cette somme suffirait vraiment à garantir un niveau de qualité des soumissions ? Si on regarde du côté de l’App Store, qui demande à peu près la même somme et regorge de jeux complètement honteux… La réponse est non, cela ne suffit pas. En revanche une somme symbolique de 5 ou 10 dollars suffirait sans doute à dissuader ceux qui trouvaient drôle de poster en boucle leurs « memes » racistes en guise de projet.

A côté du débat sur le montant exigé, il y a aussi quelque chose d’humiliant pour les développeurs à devoir justifier d’un certain niveau de ressources. Si on demandait de payer pour le fonctionnement du site Greenlight, ce serait différent. Mais le fait que la cotisation aille à une œuvre charitable, même si ça partait d’une bonne intention, ne fait qu’empirer les choses. On demande au développeur d’adopter la posture du bienfaiteur, de celui qui a les moyens de financer des bonnes œuvres parce qu’il a suffisamment réussi dans la vie. On lui demande, comme gage de sérieux, d’allouer une partie de son budget à l’achat de jouets pour enfants malades plutôt qu’à son projet. Si le but est de garantir que la personne est réellement capable de produire un jeu susceptible d’être distribué sur Steam, pourquoi ne pas demander quelque chose qui soit en rapport avec cela ? Comme par exemple, une vidéo de gameplay plutôt qu’un teaser basé sur rien, ou même une démo jouable ? Greenlight n’est pas Kickstarter, on n’y vend pas des idées qui seront peut-être réalisées un jour ; on y propose des jeux pour publication et mise en vente. Alors pourquoi ne pas simplement demander aux candidats, comme simple condition, d’avoir… un jeu à soumettre ?

La réponse est évidente cependant : parce que cela ne permet pas de faire un tri automatique, alors que le paiement permet d’exclure automatiquement certaines soumissions. Et c’est bien d’exclusion qu’il s’agit. Face aux premières protestations, d’autres développeurs ont réagi pour affirmer que quelqu’un qui n’avait pas 100 dollars à mettre dans la promotion de son jeu ne pouvait pas être un « vrai » développeur. Développer des jeux revient cher, requiert du matériel et des logiciels coûteux, alors forcément ce n’est pas pour tout le monde. Et si un jeu ne rapporte pas au moins 100 dollars, c’est qu’il doit être vraiment mauvais, et que son auteur n’est qu’un « hobbyiste ». Parce que si le jeu était bon, forcément il finirait par rapporter de quoi payer le loyer, les courses, les impôts, les médicaments ET Greenlight. Le rêve américain en somme.


On a alors retrouvé le même clivage et les mêmes débats de sourds qu’à l’occasion de la « Pirate Kart » il y a presque un an. Son initiateur, Mike Meyer a d’ailleurs évoqué avec amusement l’idée de faire une nouvelle Pirate Kart pour Greenlight, c’est-à-dire de cumuler en un pack plusieurs dizaines de petits jeux afin de partager les frais de soumission. De l’autre côté, des développeurs, indies mais starisés, prenaient de haut cette foule d’anonymes fauchés. Il y a quelque chose d’assez désagréable dans le snobisme de certains, tel Jonathan Blow qui il y a peu, dénigrait le principe des « game jams » (rassemblement de dizaines de développeurs pendant 48h dans le but de créer un jeu à partir de rien) et organisait sa propre « Depth Jam » avec quelques amis à lui dans une villa en bord de mer avec petits plats traiteur fournis, parce que c’est d’après lui la seule façon de faire du travail en groupe productif. Après les polémiques et débats suscités par le fonctionnement de l’IGF ou par le film Indie Game : The Movie, la scène indie semble de plus en plus socialement fracturée, avec des points de vue irréconciliables, certains développeurs refusant à d’autres le droit de se réclamer de cette même communauté.

Alors bien sûr, c’est vrai, on travaille certainement mieux quand on a les moyens de se consacrer au jeu vidéo, quand on peut se payer un salaire, racheter un PC neuf et avoir une licence Photoshop non crackée. Mais avoir de l’argent de côté n’est pas ce qui fera forcément un bon jeu, de même que faire des jeux courts ou gratuits ou bosser pendant ses weekends n’est pas forcément un gage d’amateurisme – pensons à Vince Twelve qui ne pouvait pas se permettre de lâcher son boulot et a créé Resonance sur son temps libre, avant d’être aidé par Wadjet Eye. Juger un développeur d’après son aptitude à faire du business et non pas d’après sa créativité, n’est-ce pas une forme de suffrage censitaire inversé, dans lequel le candidat doit atteindre un palier de revenus pour être éligible ?

On rétorquera que Steam n’est pas une démocratie et que son but est in fine de faire du business, pas de promouvoir le jeu artsy ou expérimental. Mais c’est aussi une plateforme susceptible d’accepter des jeux au contenu sujet à polémique (comme The Binding of Isaac, refusé par Nintendo pour contenu blasphématoire) ; ou encore une plateforme où, à côté des gros titres, on peut trouver pour 2 ou 3 dollars ou même gratuitement des jeux qui durent 15 minutes, une heure, mais qui proposent quelque chose de différent à expérimenter, même au risque d’être parfois un peu pourris. Il y a et il doit continuer d’y avoir une place pour ces jeux-là, dont le but premier n’est pas d’enrichir leur auteur.

Mais ce qui suscite la méfiance voire le mépris des développeurs établis, ce sont peut-être justement ces jeux gratuits ou presque, qui n’ont pas été conçus dans une perspective commerciale. Cela s’inscrit dans un contexte général de baisse des prix des jeux : plus personne ne veut payer un jeu à 60 euros, on considère qu’un jeu iPhone à 2 euros est hors de prix, et de plus en plus de titres se tournent vers des modèles « free-to-play ». Pour des indies dont le public est restreint, atteindre la rentabilité dans ces conditions devient vite compliqué. De plus, sur l’App Store ou sur Facebook, jeu gratuit ou free-to-play sont souvent synonymes de mauvais jeu ou de « pay-to-win ».


Cette situation explique en partie l’hostilité vis-à-vis de ce qui risquerait d’ouvrir Steam à un flot de jeux gratuits (les free-to-play y sont déjà présents mais relativement peu nombreux) ou à faibles « production values », et de noyer les autres projets dans la masse. Le même mépris se retrouve dans les commentaires sur Greenlight vis-à-vis des jeux qui « ressemblent à des jeux en Flash » – une esthétique qui pourtant pourrait qualifier de nombreux titres parus sur Steam (The Binding of Isaac, mais aussi Realm of the Mad God, Super Meat Boy, Super Crate Box, Revenge of the Titans…) Mais refuser les jeux un peu « low polish », c’est aussi se fermer à une conception du jeu vidéo laboratoire, et c’est dommage.

Dear Esther a d’abord été un simple mod un peu boîteux avant d’être un jeu qui marche. The Stanley Parable a d’abord été un autre mod à succès avant que son auteur ne décide de soumettre à Greenlight un remake HD qui sera sans doute payant – afin d’atteindre la légitimité ? Sans cette première étape de bidouillage, pas de jeu. De même les jeux édités par Wadjet Eye et disponibles sur Steam (après avoir été refusés de nombreuses fois) ont été créés sur Adventure Game Studio, un logiciel gratuit de création de jeu pour non-codeurs. Alors que certains indies manifestent pour plus de créativité et de diversité dans les jeux, d’autres reproduisent le modèle dominant en considérant la rentabilité comme condition nécessaire pour entrer dans leur club privé des gentlemen developers.

La prochaine fois qu’un étudiant ou un ex-prof bidouille un truc génial, espérons qu’il aura 100 dollars de côté et l’envie de les consacrer à un concours du trailer le plus classe. Mais espérons surtout qu’il ne laissera personne juger de son talent en fonction de ça.

P.S. : il reste aux indies des plateformes bien moins populaires mais plus ouvertes, telles que Desura ou Indievania, et bien sûr le mode de soumission directe à Steam (bien que celui-ci soit pour l’instant suspendu le temps que Greenlight se mette en place…).

 

Voir aussi :

The $100 fee for Steam Greenlight submissions is exclusionary and wrong (Penny Arcade Report)

A Weaponized Machine

Image d’en-tête tirée de « Coin Operated Afternoon »