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Téléportation

Abel changea de trottoir et se dirigea vers la cabine de téléportation publique. Il prit place sur la plaque luminescente, prenant soin que ses pieds se positionnent parfaitement sur les traces blanches. Il tira de son portefeuille sa télécarte et la fit glisser dans la fente. Sur l’écran ses données personnelles s’affichèrent, carnet de santé, compte en banque, et il pointa du doigt sa destination sur le planisphère, plusieurs fois jusqu’à sélectionner une cabine d’arrivée précise.
Le plafonnier émit son vrombissement caractéristique et les parois vitrées de la cabine virèrent au bleu outremer, plongeant le reste de la ville dans une nuit lointaine et aquatique.

Abel soupira et se détendit, seul. Plusieurs fois il s’était demandé s’il ne choisissait pas ce mode de transport uniquement pour le délicieux vertige qu’il procurait. Il savait bien que l’abus en était déconseillé, et que la téléportation n’était pas sans risques. Mais il détestait la promiscuité des spatiobus, et finissait toujours par craquer pour la téléportation, malgré les risques, malgré le prix exorbitant, malgré les sarcasmes de ses collègues qui le traitaient de snob.

La lumière du plafonnier se fit plus douce et le vrombissement plus léger, et les parois de la cabine se colorèrent en un mauve floral. C’était parti.
Abel ferma les yeux. Il avait l’impression de sentir la machine scanner chaque atome de son corps, délicatement, minutieusement, patiemment. Le silence était total, et Abel sentait un gazouillis dans ses veines, un frémissement dans ses muscles, une ondulation dans ses cheveux, comme si chaque parcelle de son corps s’étirait telle un chat au soleil. La caresse de la machine l’enveloppait de ses rayons invisibles, et Abel souriait. Il sentait qu’il devenait transparent, le transfert avait commencé. Dans une cabine lointaine, dans les rues rouges et poussiéreuses du désert de Moabville, son corps commençait à exister aussi. C’était tellement étrange de se sentir un peu dans les deux endroits à la fois, d’apercevoir à la fois les gratte-ciels de Newport et les trottoirs fissurés de Moabville.
Les rayons se faisaient plus pressants, presque palpables, comme pour l’essorer, le presser, pour le faire sortir de lui-même. La lumière se répandait dans son corps à une vitesse vertigineuse et Abel se sentait auréolé de perles murmurantes, rayonnant d’une gloire muette. Son corps se dissolvait alors dans un pétillement de joie, et son esprit vacillait, au bord de la nausée. C’était le point de non-retour du transfert. Abel se voyait, dédoublé, à des milliers de kilomètres, il contemplait son fantôme inversé, et son fantôme le contemplait, et son cerveau désemparé était au bord de la panique.
A ce moment-là, Abel ne pouvait s’empêcher d’avoir peur. Et s’il ne se reconstituait pas dans l’autre cabine ? Et s’il se reconstituait mal ? Il y avait eu des accidents. Des choses monstrueuses. Mais c’était très rare, statistiquement. Et si l’homme qui se dessinait de plus en plus nettement au loin n’était pas lui ? S’il devenait autre à chaque téléportation, sans s’en apercevoir ? Oh pas grand chose, puisqu’on le reconnaissait. Peut-être les cheveux à peine plus clairs, ou un grain de beauté perdu… Ou un souvenir déformé… Et dans quelques années, il ne se reconnaîtrait plus sur ses vieilles photos ? Absurde, se raisonna-t-il dans les deux cabines à la fois.
Abel de Moabville prenait le dessus, et sa conscience de Newport s’estompait peu à peu. Il distinguait maintenant très bien l’enseigne du bazar devant lequel se trouvait la cabine d’arrivée. Il apercevait les passants, et les regardait de l’air de celui qui peut voir sans être vu. Pour eux il n’était encore qu’une éclaboussure lumineuse, à peine remarquable derrière les vitres fumées, néon parmi les néons.
La téléportation s’achevait et la machine semblait pressée d’en finir, pressée de pouvoir se féliciter d’un travail bien fait. Comme un vendeur de costume dans un magasin de luxe, les mains invisibles du scanner tournoyaient autour d’Abel avec élégance, et semblaient tapoter, lisser, ajuster, épousseter, et apprécier le résultat d’un œil impartial et satisfait, faisant mine de ne pas remarquer le trouble du client. Pas une seule cellule ne serait oubliée. Il serait impeccable.
La téléportation était finie, il était arrivé dans sa ville. La lumière du plafonnier baissait, les couleurs redevenaient naturelles, le bruit s’arrêta. Sa carte fut débitée et les portes s’ouvrirent.

Encore parcouru de caresses magnétiques, Abel sortit de la cabine comme on sort de chez le coiffeur, cherchant dans les regards admiration ou moquerie. Mais personne ne prêtait attention à lui, seul le propriétaire du bazar lui adressa un signe de tête, comme d’habitude. Tout en suivant mécaniquement les rues chaudes et sales Abel retenait tant qu’il le pouvait les sensations de la téléportation, derniers frissons, dernières taches de couleur. Les autres n’avaient qu’à se moquer. Ils ne pouvaient pas comprendre.

En attendant Bioshock Infinite

En 1893 fut construit le premier homme mécanique. On ne disait pas encore « robot », mais il marchait, parlait, travaillait… Unique en son genre à cause de coûts de fabrication encore exorbitants, Boilerplate – comme il fut surnommé – participa néanmoins, sous la direction de son créateur Archie Campion, à toutes sortes d’événements marquants de son temps.

Conçu à l’origine pour remplacer l’être humain sur les champs de bataille, il traversa de nombreuses guerres, du Mexique à la Chine en passant par l’Arabie… et la Première Guerre mondiale. Il participa également à l’exploration de l’Antarctique, était présent au Klondyke pendant la Ruée vers l’or, apporta son immense force de travail au creusement du canal de Panama.

Boilerplate avait fait ses premiers pas pendant l’exposition universelle de Chicago, la « World’s Columbian Exposition« , qui présentait au public à travers de superbes pavillons les plus impressionnantes innovations technologiques de ce temps. Promesses de progrès scientifique, social, politique… souvent déçues. Campion rêvait d’utiliser l’homme mécanique pour mettre fin aux tueries des guerres aussi bien qu’au travail des enfants – un thème brillamment mis en scène dans le très bon Stacking, qui traite de cette époque avec beaucoup d’humour – ou à la misère de ceux qui travaillaient au prix de leur santé ou de leur vie (il n’oublierait jamais les milliers de morts du canal de Panama). Mais aucun pouvoir politique ne décida d’utiliser Boilerplate.

La suite de l’Histoire en aurait peut-être été changée.

Boilerplate, History’s Mechanical Marvel est une remarquable biographie uchronique de ce premier robot imaginaire, témoin d’une époque où le progrès était un credo en même temps qu’une chimère, une époque de grands bouleversements et de grandes injustices. Une période aussi où les Etats-Unis cessaient d’être une ex-colonie promotrice de l’indépendance pour devenir à leur tour une puissance impérialiste prête à tout pour avoir sa part du gâteau mondial.

A travers la « vie » de Boilerplate et celle de son créateur, on en explore les remous de l’intérieur, grâce à une impressionnante quantité de documents d’archive semi-fictifs : photos, lettres, factures, journaux, documents officiels… On croise Nikola Tesla, Teddy Roosevelt, Pancho Villa ou encore d’autres personnalités moins connues, comme Ida B. Wells, fille d’esclaves affranchies devenue journaliste, éditrice d’un journal et militante pour l’égalité des droits.

Un excellent bouquin, richement illustré, très instructif, que je conseille chaudement pour peu qu’on apprécie cette période historique.

C’est exactement cette même période qui servira de cadre au prochain Bioshock Infinite. Fini les années 50 et Rapture, on remonte d’un demi-siècle en arrière. Si l’équivalent des « Big Daddy » existe toujours (ou existe déjà devrais-je dire), nul doute qu’ils seront d’un style nettement plus « steam ». Ils seraient alors les contemporains de Boilerplate, dans un monde qui aurait choisi d’aller plus loin dans cette voie.

Après l’objectivisme d’Ayn Rand / Andrew Ryan, il sera question cette fois de pureté de la race et de suprématie de l’Amérique ou de « l’American Exceptionalism », des thèmes fondamentaux à ce moment comme j’ai pu m’en rendre compte à la lecture de Boilerplate. Ken Levine évoque déjà la présence de deux camps antagonistes, les « Founders » ultra-nationalistes qui s’inspirent des « Pères fondateurs » des Etats-Unis, et le groupe « Vox Populi », leur opposant internationaliste.

Tout ceci sera mis en scène, comme on le sait déjà, dans une ville volante, prometteuse métaphore d’idéologies autarciques, xénophobes et mégalomanes.

J’ai vraiment hâte de découvrir ce nouvel univers et son histoire, et je ne pourrai sûrement pas faire durer la lecture de mon Boilerplate jusque là ! (Merci à Ray pour cet excellent bouquin)

Attack of the 50ft. Peach

Le volume 4 des Cahiers du Jeu Vidéo est enfin dispo !!
Consacré aux femmes dans le jeu, j’ai eu la grande chance et l’honneur de le co-diriger avec Tony Fortin. Un an de travail car il fut assez difficile à mettre en place faute de gros moyens, mais le voilà, enfin je ne l’ai pas encore entre les mains, mais ça ne saurait tarder. Et j’en suis par avance très fière !

Une quinzaine d’articles sur des thèmes variés et pointus, écrits par des passionnés, avec en prime une iconographie démentielle… Sans parler de la couv, un hommage à une certaine affiche de film que les connaisseurs auront reconnu. Une Peach-monstre, n’ayant de « féminin » que des lambeaux de robe rose, pour une révolte rageuse et ludique ! Il reste tellement de robes roses et de clichés à mettre en pièces… ce que, j’espère, nous aurons réussi à faire dans cet ouvrage. (voir sommaire et extraits plus bas)

En voici le sommaire :

1- Who’s that girl? (Laurent Jardin) Allongé sur le divan du psy, un joueur raconte les femmes de sa vie vidéoludique

2- L’Ennemi féminin (Sachka Duval) Analyse de l’usage du féminin dans la création des monstres de jeu vidéo

3- Femmes made in Japan (Reynald François) Stéréotypes féminins japonais, mythes et faits de société

4- Comme un homme, une femme à abattre (Cyril Lener) Dans les jeux de baston, les femmes se battent-elles à armes égales ou sont-elles des victimes déguisées en combattantes ?

5- Geek = XY ? (David Peyron) La culture geek serait-elle masculine par essence mais surtout par nécessité ?

6- Des femmes au combat ? (Tony Fortin) Implications politiques et historiques du modèle de virilité imposé par les jeux de guerre – un modèle qui se fissure ?

7- Moules persistants (Stéphane Fauteux) Comportements sexués et transgressions dans les MMO

8- Un homme dans un corps de femme (Pia Mesa) Parcours d’une femme journaliste dans l’univers très masculin de la presse JV

9- Le Sexe du gameplay (Sachka Duval) Comment un gameplay peut-il traduire une certaine idée des relations hommes/femmes ?

10- Qui a peur de Bayonetta ? (Marion « Moossye » Coville) Comment et pourquoi le personnage féminin le plus sexy du monde a su conquérir les joueuses

11- La Femme invisible (Maïa Mazaurette) Mise au jour du plan machiavélique des développeurs visant à exclure les femmes du jeu vidéo

12- Un Héros un peu queer (Anthony Jauneaud « le Yéti » et Tony Fortin) Homosexualité, aliens et brouillage des genres dans le jeu vidéo

13- Rencontre avec Jane Jensen (Reynald François) Interview de la célèbre créatrice de Gabriel Knight sur la place des femmes dans le JV

14- Le Bal des actrices (Laurent Jardin) Rencontres avec plusieurs actrices prêtant leur voix à des personnages de jeu vidéo

15- We can do it! (Frédéric Lepont) Rencontres avec des femmes travaillant dans l’industrie du JV canadienne

Et en prime, une photo prise pendant le podcast Gameblog organisé en partenariat avec Pix’n Love, dans lequel j’étais invitée pour parler des femmes qui jouent (curieuse bête) en compagnie de Moossye et de Force Rose.

Robert Charles Wilson

Suite au conseil d’un ami, j’ai lu ces derniers temps plusieurs romans de Robert Charles Wilson et je suis vraiment conquise. De la SF comme je l’aime, avec autant d’humanité que chez Bradbury, mais sans doute davantage de réalisme scientifique. J’aime beaucoup comment il explore ce que deviendrait l’espèce humaine en cas de contact avec l’inconnu venu du cosmos. Mais ce ne sont pas des aliens kitshounes qui sont mis en scène (ils peuvent avoir leur charme rétro par ailleurs, notez bien), il ne s’agit pas de pseudo-humains avec des antennes et des lasers, mais de concepts parfois presque abstraits : des entités qui ne vivent pas sur le même plan que nous, et dont nous ne pouvons qu’avoir des échos. Leur simple présence intangible, à peine perceptible à travers le temps ou l’espace, nous renvoie toutes sortes de questions sur notre place dans l’univers, nos possibilités d’actions et de compréhension bien limitées.
Wilson décrit avec beaucoup de subtilité comment cela impacte nos humaines histoires d’amour et d’amitié : vues avec la fin de mondes en arrière-plan, ça prend un petit côté technicolor auquel je ne peux pas résister.
Je n’y connais pas grand chose, mais personnellement ces romans sont parmi les plus modernes que j’aie pu lire, pas seulement parce qu’ils sont récents :) mais surtout par leur côté anticipation maîtrisée, très réaliste, très pointue. Et puis j’apprécie vraiment son style d’écriture pour autant que je puisse en juger par la traduction.

Je ne peux donc que conseiller cette lecture, et pour ma part je vais m’en commander d’autres dès que possible. :)

Mars, planète bleue

Je suis en train de finir le deuxième tome d’Aqua, manga signé Kozue Amano, et j’avais envie de le recommander à ceux qui aiment les histoires nostalgiques et contemplatives… :)

Aqua est le nouveau nom de la planète Mars, colonisée par l’espèce humaine. La planète est recouverte d’eau et la population vit paisiblement sur quelques îles, îles qui flottent parfois dans les airs aussi. Pour se déplacer on utilise entre autres les gondoles, manoeuvrées par les « ondines », une profession prestigieuse. Les compagnies de transport sont dirigées par des chats… Et ces derniers semblent constituer des sociétés secrètes aux pouvoirs étonnants.

Mais tout ceci est évoqué de manière impressionniste, par petites touches, à travers quelques épisodes vécus par une apprentie ondine.
J’y retrouve un peu l’ambiance de l’anime « Kiki la petite sorcière », qui apprenait son métier à travers les petites péripéties du quotidien.
Un manga plein de poésie et de beauté toute simple. :)

Par ailleurs j’ai appris que ces deux tomes sont censés être un prologue à une autre série, apparemment pas encore publiée en France.

Fleur Fatale

L’absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des cœurs et des cerveaux ;
En vain tonnent, là-bas, les prodiges nouveaux ;
Nous, nous restons croupir dans la raison natale.

Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses échos lointains, mordus de tintamarres
Et d’aboiements et pleins de chiens vermeils.

Îles en fleurs, sur un lac de neige ; nuage
Où nichent des oiseaux sous les plumes du vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d’or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin du paysage.

Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche, dans un rayon, qui s’agite, immobile :
L’inconscience gaie et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous, je l’entends bien !

Emile Verhaeren (1888)

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Voilà, à l’invitation de Monsieur Un, le poème qui me donne des frissons et comme des bouffées d’hallucinations chaque fois que je le lis. :)
J’ai l’impression d’y entendre en écho une foule de choses et d’impressions mêlées, qui correspondent la plupart du temps à mon état d’esprit. Ça ne s’explique pas. Quand j’étais chez mes parents, j’avais la deuxième strophe punaisée au-dessus de mon lit. :)
Et puis j’aime bien la poésie de Verhaeren dans son ensemble, sa volonté de parler de l’industrialisation, du prolétariat, sa fascination pour les « villes tentaculaires » et pour la science. C’est pas bucolique comme poésie. :)

Je passe le relais « poète-poète » à Miss Joëlle, si elle veut bien.