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Le jeu vidéo vu par Dostoievski

[Attention, ce billet comporte de gros méga maxi spoilers notamment sur Alan Wake – et sur eXperience 112 et Bioshock aussi, mais ça ce n’est plus de première fraîcheur]

Quand j’étais en doctorat de littérature comparée, je suivais le séminaire de mon directeur de recherches consacré au « montage » dans le roman. Il s’agissait grosso modo de se pencher sur une façon moderne de mettre en scène le monde et de raconter une histoire : au lieu du point de vue omniprésent d’un Auteur façon 19e siècle, ces romans modernes juxtaposaient des éléments hétéroclites, à la façon d’un dossier d’enquête. Par exemple on pouvait voir le récit s’interrompre pour laisser la place à une coupure de presse, un poème, ou bien pour passer au point de vue d’un autre personnage, sans aucune transition.

La modernité du procédé, c’est que l’auteur n’a pas la prétention de délivrer un « message » prêt à l’emploi, ni une pensée édifiante. Son objectif est au contraire d’essayer de réunir des éléments contradictoires ou complémentaires : c’est par leur rapprochement que naîtra, peut-être, une vérité. Puisque le monde est multiple, polémique et changeant, un roman qui prétend en parler doit l’être aussi.

Cette démarche avait été tentée par Dostoievski en son temps :

Bakhtine a relevé dans les romans de Dostoievski une particularité remarquable: non seulement les personnages s’y expriment dans un langage qui leur est propre, mais ils sont dotés d’une autonomie inégalée jusque là dans le roman:

Ici [dans les romans de Dostoievski], ce n’est pas un grand nombre de destinées et de vies qui se développent au sein d’un monde objectif unique, éclairé par l’unique conscience de l’auteur; c’est précisément une pluralité de consciences, ayant des droits égaux, possédant chacune son monde qui se combinent dans l’unité d’un événement, sans pour autant se confondre. […] La conscience du personnage est donnée comme une conscience autre, comme appartenant à autrui, sans être pour autant réifiée, refermée, sans devenir le simple objet de la conscience de l’auteur.

Todorov 1981, 161

La polyphonie littéraire ne désigne donc pas seulement une pluralité de voix mais aussi une pluralité de consciences et d’univers idéologiques. […]

On peut reconnaître là une tendance du roman moderne: l’univers unifié du roman tend à se désagréger au profit des univers pluriels des personnages. Il ne s’agit plus de boucler ou d’achever une intrigue romanesque, ni de parvenir à une conclusion morale ou idéologique. Il s’agit plutôt de faire apparaître des tensions entre des points de vue.

Chez Dostoievski la polyphonie des consciences s’exprime aussi par une pluralité de styles et de tons. Cette polyphonie stylistique a d’ailleurs été peu appréciée des contemporains de Dostoievski qui y ont vu une forme décousue où se côtoient « une page de la bible placée à côté d’une notice d’agenda ou bien une ritournelle de laquais à côté de dithyrambes schillériens sur la joie ».

[source]

Il me semble que le jeu vidéo est un média qui se prête bien plus encore que le roman à une telle polyphonie. Tout d’abord parce que la juxtaposition de multiples éléments narratifs hétéroclites y est assez répandue (textes à lire, cutscenes et dialogues,  voix off, accomplissements d’action, etc). Et ensuite parce que l’Auteur s’y efface forcément, pour laisser le joueur dérouler lui-même l’histoire : la reconstituer ou la construire, selon les jeux. Le jeu vidéo permet parfois à plusieurs personnages de raconter leur propre histoire, mais aussi il permet à l’histoire de s’exprimer par toute une série de « canaux » différents à la fois.

Cependant il faut bien avouer que la plupart des titres de jeux vidéo se contentent de rester extrêmement classiques, avec une progression linéaire et surtout monocorde de l’histoire. Le héros agit, progresse, commente éventuellement son parcours, discute avec des figurants, et accomplit finalement sa mission. Ce type de narration est vraiment peu intéressant : le jeu peut être tout à fait satisfaisant (comme un bon vieux Zelda), mais d’un point de vue architecture narrative, c’est quand même basique (pour ne pas dire, hmm, ringard ?). C’est pour ça sans doute que je n’accroche pas trop aux RPG : de par le système, la trame se résume toujours à devenir plus puissant pour tuer des ennemis plus costauds : le monde n’existe que dans l’attente du héros. Un schéma on ne peut plus égotiste, qui trouvera son intérêt ailleurs que du point de vue structurel.

En revanche on trouve depuis quelque temps des jeux autrement plus ambitieux que ça quand il s’agit de construire un récit et un univers, et c’est sur ceux-ci que j’ai voulu me pencher. Multiplicité des points de vue et des idéologies, multiplicité des langages, multiplicité des médias, pour une histoire non-définitive, polémique et incertaine, déstabilisante et passionnante. Trois beaux exemples : Bioshock, Expérience 112 et Alan Wake.

J’ai essayé de traduire ça en schéma, ça vaut ce que ça vaut, mais j’espère que ce sera plus clair qu’une longue explication.

Bioshock : les voix de la ville

Le jeu étant à la première personne, le joueur incarne le héros et voit par ses yeux, mais bizarrement ne s’exprime jamais. En revanche il agit, doit parfois faire des choix cruciaux qui entraîneront une fin différente. C’est le premier niveau de narration : le personnage doit à la fois s’échapper et découvrir qui il est vraiment. C’est l’histoire dévoilée au fil du gameplay.

Cependant les autres personnages au contraire sont plutôt loquaces, que ce soit via la radio emportée par le héros – chacun tente de le rallier à sa cause ou de se servir de lui – ou par la propagande omniprésente dans Rapture (les slogans, affiches, les graffitis), ou encore par le biais des journaux intimes enregistrés sur magnétophones que l’on retrouve un peu partout… C’est finalement toute la ville qui nous parle, nous livre ses espoirs et manigances : toute l’histoire de la ville, ses complots, sa politique, tout nous est raconté en écho, par des instantanés du passé, par l’architecture, ou par des dialogues pressants. On entend les accents variés, bourgeois ou prolétaires, de différentes origines, on entend les discours publics et les confidences. Tout nous est livré en vrac, à nous de faire le tri. Qui croire ? Faut-il aimer Rapture, faut-il la combattre ?

C’est la question qui est mise en scène, pas la réponse. Si le héros obtient finalement la vérité sur son identité, le joueur est laissé à ses questionnements et ses doutes. Il a en tout cas pris une part active à la narration, puisqu’une bonne partie repose sur une action volontaire de sa part, comme collecter les enregistrements, ou faire un choix moral.

Expérience 112 : le fantôme aux caméras

Ce système narratif correspond bien à une histoire de type « post-massacre » : le joueur arrive quand tout le monde ou presque est déjà mort, quand la tragédie est déjà presque jouée. Il fait alors un travail d’archéologue, il reconstitue les événements, récolte des témoignages et des documents. Dans le cas de Bioshock il s’agit bien de retrouver la trace d’un système politique et social en train de disparaître.

Dans d’autres jeux, l’échelle est différente, mais le principe identique. Par exemple on avait un peu le même genre de structure narrative dans Expérience 112 : l’histoire commençait dans un tanker abandonné qui abritait des labos de recherche scientifique, mais au moment où presque toute l’équipe avait été décimée. On pouvait alors enquêter dans les affaires des morts et dans le système informatique, afin de récolter la correspondance et les documents de chacun : vidéos, enregistrements audio, schémas, courriers… On reconstituait la teneur des expériences, les relations entre les personnages, les motivations secrètes des uns et des autres. Cette vie passée, complétée par des séquences de flashs-souvenirs, venait se surimposer à l’exploration actuelle des lieux dévastés, et teinter l’ensemble de mélancolie mais aussi de secrets espoirs.
Un troisième niveau de lecture était suggéré par le fait que le joueur observait « réellement » le personnage principal, Lea, en commandant le réseau de surveillance vidéo. On se demandait alors forcément qui on était censé incarner, est-ce qu’on allait pouvoir rencontrer Lea, est-ce qu’on la connaissait, quelles relations on avait éventuellement.

Mon seul regret c’est que tous ces « canaux » narratifs convergeaient finalement tous dans la même direction (l’avènement d’une nouvelle race), on n’avait pas alors une véritable impression de petit monde dans lequel chacun aurait son autonomie. Mais soyons honnête, c’est largement une question de budget autant qu’une question d’écriture. Si l’on veut créer de multiples voix ayant chacune une personnalité, un agenda, etc. c’est un projet complètement démesuré. Au début du projet Alan Wake d’ailleurs, il avait été question d’en faire un monde ouvert. On imagine bien choisir sa destination et pouvoir mener l’enquête auprès des différents habitants. On aurait peut-être même pu enchaîner les phases de nuit (combats contre les ombres) et de jour (enquête et doutes) à notre propre rythme, selon nos actions et donner ainsi un rythme bien différent à l’histoire. Mais l’auteur a finalement jugé que le scénario perdrait en efficacité et en immersion, et a abandonné cette idée. Je pense qu’il a eu raison, et je préfère quant à moi une narration polyphonique et multiple à un monde ouvert mais figé et dans l’attente du joueur. L’interactivité provient de la mise en relations de toutes les pistes, de toutes les théories que le joueur échafaude pour comprendre ce qui se passe, et pas d’un choix bidon façon « aller explorer la mine ou le bar-tabac ? »

Idem dans Expérience 112 : il incombait au joueur de recouper les sources, de décoder les messages (littéralement) et d’en tirer ses propres conclusions, puisque Léa ne pouvait pas le faire pour nous. Peu de jeux réussissent ainsi à nous faire participer en live à la construction de l’histoire. Tout seul derrière son écran, le joueur qui réfléchit produit du sens, et pas seulement la solution d’un puzzle pour ouvrir une serrure, comme dans la plupart des jeux d’aventure. Les hypothèses qu’il formule pour lui-même font partie de la narration. Découvrir la vérité, retrouver « 112  » … Tous les fils narratifs du jeu mettent en scène cette anticipation du dénouement et font croître l’impatience à mesure que les théories se précisent… mais la réalité est-elle bien celle qu’on espère ?

Alan Wake : dimensions parallèles dans un crâne

Alan Wake est un pur bonheur pour les fans de narration alambiquée comme moi. :) Sur une base assez simple – un écrivain en panne d’inspiration combat les forces de l’ombre par l’écriture pour ramener sa femme à la vie – les auteurs ont greffé de multiples couches afin d’enrichir l’histoire par des effets de dédoublements, d’anticipation, de contrepoints… Une merveille d’architecture narrative.

On a tout d’abord l’histoire de base, que l’on vit à travers le gameplay et les cinématiques. Ensuite on a les feuillets épars, qu’on ramasse aussi bien en forêt qu’en ville, qui racontent ce que l’on est en train de vivre. Mais ce fil-là n’est jamais complètement synchro avec ce que l’on fait : parfois il raconte ce qu’on vient de vivre quelques minutes auparavant, et on se sent inexplicablement observé ; parfois il est en avance et semble prévenir d’un destin inexorable. L’effet est dramatique, on se sent le pantin de puissances supérieures.

Ensuite il y a les messages écrits un peu partout à l’encre photosensible : ce sont les indices réunis par Cynthia Weaver, à l’époque où un autre écrivain s’était trouvé aux prises avec les ombres, selon un scénario très similaire à ce que vit Alan. Dans un lieu où les créatures de fiction prennent vie, qui crée qui ? Qui écrit le destin de qui ?

Enfin il y a les multiples émissions de télé et de radio. A la radio, le vieil animateur local nous parle de la beauté du ciel nocturne alors qu’on est aux prises avec les créatures de l’ombre. Ou bien il raconte qu’il a aperçu le héros aujourd’hui. Si on croise un poste de télé, il arrive qu’il s’allume de lui-même et nous montre une image du héros en train de se parler à lui-même. Est-ce réel ? Est-ce déjà arrivé ? Est-ce un double ?

L’histoire semble prendre de multiples chemins en même temps, et on n’est pas vraiment sûr de pouvoir tous les accorder en un tout cohérent. Peut-être que le docteur Hartman a raison de dire que tout ça est dans la tête d’Alan ?

La série TV « Night Springs » (inspirée bien sûr de « Twilight Zone ») dont on peut suivre quelques épisodes au fil du jeu vient ajouter d’autres éléments accablants en contrepoint. Ce sont comme des épisodes d’une vraie série, sans aucun lien avec l’histoire d’Alan (si ce n’est qu’il est censé avoir écrit certains scénarios…) mais les thèmes abordés entrent en résonance avec ce qui lui arrive de façon inquiétante. On a par exemple cette histoire de professeur qui suicide ses autres lui-même dans les dimensions parallèles… Ou ce tueur psychopathe qui serait son propre reflet dans le miroir… Tout cela vient renforcer l’incertitude quant à l’état mental d’Alan Wake, si bien qu’on finit par ne plus très bien savoir nous-même ce qui est réel ou pas dans ce que l’on vit aux côtés du personnage.

Dédoublement, cauchemar, folie, roman dans le roman… La polyphonie narrative démultiplie l’histoire comme dans un palais des glaces : on ne sait plus distinguer le reflet du vrai et le malaise grandit. Perso, je suis conquise.

Finalement c’est ça que j’attends d’un jeu vidéo adulte : un regard sur la société et l’humain qui soit multiple, incertain. Qui me laisse penser par moi-même, sans me donner toutes les réponses.
Ce qui me fait penser que je n’ai toujours pas vu la fin de Lost.

15 comments to Le jeu vidéo vu par Dostoievski

  • yodan972

    Très bon article clair et détaillé.
    Je ne supposais pas un travail narration si poussé dans ces jeux, avec des concepts empruntés à la littérature. ( C’est peut être la marque de succès ça semble tellement naturel pad en main)
    Mais ça vient surement du rythme soutenue des sorties où on saute d’expérience en expérience sans vraiment avoir le temps de s’approprier l’expérience et d’échanger dessus avec d’autres personnes (syndrome de la pile de jeux).

    J’ajoute ton blog à mes favoris et j’ai hâte de lire d’autres analyses !

  • Merci pour la visite et le commentaire :)
    Oui je crois que de plus en plus de soin est apporté à la façon de raconter une histoire dans un jeu, on commence d’ailleurs à parler de « design narratif » et « narrative designer ». C’est un peu un travail de mise en scène, comme au cinéma : tout peut potentiellement parler, montage, cadrage, éclairage… pas seulement le travail des acteurs. Pour les jeux je pense que la démarche est assez proche, mais avec une réflexion sur le gameplay.

  • Benoit D

    C’est intéressant comme analyse, même si je n’ai fait aucun des trois jeux.

    Par contre, ce n’est pas vraiment nouveau cet outil de game design. Il me semble que dans de nombreux jeux d’aventure, on trouve des livres ou des journaux intimes qui racontent l’histoire d’un autre point de vue. Avec la technologie, on peut varier les moyens de le communiquer au jeu vidéo (en plus du texte, le son ou la vidéo), mais ça reste le même principe.

    D’ailleurs, tu parles de Zelda, mais dans Metroid Prime (qui est un Zelda-like à la première personne sorti en 2002), les développeurs (Nintendo et Retro Studios) avaient poussé ce concept de façon hyper intéressante.

    Attention, ça spoile à partir de là.

    Dans le jeu, le joueur doit chasser les pirates de l’espace d’une planète qu’ils ont colonisé. Pour se faire, il va explorer et « nettoyer » leurs bases. Dans celles-ci, il va découvrir des rapports informatiques de pirates qui racontent leur arrivée sur la planète. Puis, au fil de Sa progression, le joueur s’aperçoit que les pirates parlent du joueur qui est en train de détruire leur base. Et même des armes qu’ils mettent au point pour le détruire. C’est une superbe mise en abyme.

    Mais comme si ça suffisait pas. Le joueur découvre aussi qu’avant l’arrivée des pirates, la planète était habitée par une race primitive, les Chozos. Dans leurs ruines, on peut lire des textes gravés sur les murs qui racontent des légendes. Certaines racontent l’arrivée du joueur comme s’il était un héros légendaire.

    Bref, Metroid Prime propose plusieurs points de vue sur l’histoire, mais aussi sur le joueur lui-même qui devient un ennemi à éliminer ou un héros légendaire. En tout cas, en dehors d’enrichir l’histoire, le procédé a le mérité d’impliquer vraiment le joueur dans l’aventure.

  • Alors je n’ai pas joué à Metroid Prime, donc j’espère ne pas répondre à côté ^^

    En fait je ne parlais pas du fait de disséminer du background à travers le jeu : ça, en effet ce n’est pas neuf, il suffit de prendre la plupart des jeux d’aventure, les rpg voire les mmorpg. On trouve des tas de livres, parchemins qui donnent au joueur un petit contexte sur l’univers du jeu.
    Mais tout ceci c’est « la voix de l’auteur », tout parle d’une même voix pour enrober le parcours du héros. Il y a des jeux de ce type qui sont extrêmement bien faits, avec des informations saupoudrées au bon moment, en ménageant du doute et des contradictions.
    Mais là où ça devient vraiment intéressant c’est quand on a des éléments complètement extérieurs à la problématique du héros. Des gens qui mènent leur vie, et qui ne sont pas juste un reflet de l’histoire du héros (qui ne sont pas là pour fournir des rapports / prophéties / mises en valeur diverses). Mais des éléments narratifs qui ne sont pas là non plus pour meubler l’univers (recettes de cuisine et légendes locales par exemple), mais qui ont une réelle fonction dans la trame principale.
    Par exemple la fausse série TV dans Alan Wake : rien à voir avec l’histoire du personnage principal, ça ne révèle rien, ça ne donne pas d’infos utiles. Ça ne sert pas vraiment non plus à mettre en scène le décor. Et pourtant ça crée un contexte littéraire fait d’artistes schizophrènes, de savants fous, de dimensions parallèles, d’étrange et de paranormal. Du coup ça amène le joueur à se demander si Alan n’est pas fou / schizo / dans une dimension parallèle / en train de rêver. Alors qu’on pas réellement d’indice pour aucune de ces pistes.
    Il y a une vraie polyphonie dans ces différents canaux narratifs, alors que dans la plupart des jeux tout converge vers la quête du héros. Et c’est ce que je trouve génial à déconstruire. :)

  • Benoit D

    Non, tu ne réponds pas du tout à côté. Effectivement, je comprends mieux :)

    En tout cas, merci pour ton blog, tes articles donnent à réfléchir et à discuter.

  • Et merci à toi pour la discussion ^^

  • Tohwaku

    Très bon article, même si je n’ai pas spécialement accroché à Alan Wake (pour des raisons diverses pour la plupart assez étrangères à sa narration).
    J’ai immédiatement pensé à Metroid Prime moi aussi, et, ne connaissant pas le terme de polyphonie, j’avais appelé cela la « narration passive », par opposition à une narration active, « imposée », notamment au travers de cutscenes obligatoires ou de dialogues impliquant ou pas le joueur (en tout cas des événements qui prennent place en parallèle de l’aventure du héros, et qui sont donc exposés tels quels au moment où ils prennent place). Je distingue cependant les éléments qui parlent directement de la trame comme les pages de roman d’Alan Wake des éléments réellement passifs, comme :
    – Les rapports médicaux de Resident Evil ou les rapports techniques de Bionic Commando (qui contribuent à l’ambiance et peuvent donner de légers indices sur ce que le joueur peut découvrir sans pour autant dévoiler l’intrigue, voire des indices sur la faiblesses des monstres, donc des élements gameplay)
    – Les messages en tout genre n’ayant pas directement trait à la progression du héros ou au gameplay mais qui dévoilent plus des éléments de l’intrigue qu’il serait bien maladroit de dévoiler par narration active (l’exemple typique de ce qu’il ne faut pas faire étant que le héros surprend « par hasard » et pile au bon moment une discussion de deux soldats dévoilant précisément les plans secrets du méchant, le bon exemple étant qu’il trouve des éléments lui expliquant ce qu’il n’a pas pu voir et/ou ne devrait pas savoir, comme un rapport).
    – Les éléments de pur background (explication de la culture attachée à tel ou tel bas-relief, au symbole d’un monument, etc, bref, tout ce qui n’a plus aucun rapport avec le jeu à proprement parler).

    J’ai tendance à largement préférer la narration passive car je la trouve globalement plus élégante. Peut-être moins casse-gueule et plus crédible aussi, dans la mesure où elle ne montre pas un événement directement (ce qui est toujours un peu artificiel… ne serait-ce que parce qu’il faut une caméra, donc un narrateur, pour l’exposer). Par ailleurs elle a l’immense avantage d’être économique, mais elle implique un effort de la part du « lecteur », qui doit aller vers elle là où la narration active déballe ce qu’elle a à dire et montrer, de gré ou de force. C’est un peu la littérature contre le cinéma, en fait…

  • L’Appel de Cthulhu de Lovecraft répond à cette construction et je ne peux que te conseiller le film muet qui en a été tiré.
    Le Pendu alias Laurent Kloetzer en a fait une excelle présentation :
    http://lependu.blogspot.com/2010/05/lappel-de-cthlhu-le-film.html

    Pour en revenir au jeu, en effet cette construction est plus intéressante, immersive et enrichissante.
    Toutefois je ne te cache pas que j’aime aussi l’approche japonaise (monde fermé et déroulement linéaire) qui consiste généralement a te conter une histoire (à la Dreamfall d’une certaine façon).

  • […] je t’invite à lire cet article de Sandra Duval Rieunier, aussi connue sous le pseudonyme de Sachka, consacré à la polyphonie narrative.  Merci au […]

  • @tohwaku : décidément, va falloir que je joue à Metroid :p Sur le terme polyphonie, j’y mets deux choses : d’abord le fait qu’il y ait plusieurs « sons », plusieurs voix, que différentes sources parlent de différentes choses ; et ensuite le fait que tout « sonne » ensemble pour produire un tout cohérent, un concerto ^^ J’aurais pu prendre l’exemple de Bioshock 2 (attention spoiler) avec entre autres le parcours de Mark Meltzer que l’on suit grâce à une série d’indices différents, jusqu’à le confronter presque par hasard. Son histoire à lui n’a pas d’influence sur la nôtre, mais elle en est comme une variation (un père parti à la recherche de sa fille – sa vraie fille – et qui finit par accepter d’être un big daddy). Cela nous renvoie à notre identité possible, nos motivations, etc. Cela nous rend moins solitaire : d’autres vivent leur quête à côté de nous.

    @efelle : je connaissais pas ce film, ça fait bien envie ! je vais essayer de me le regarder, merci ! :D

    @merlanfrit (ou quelque soit le nom par lequel il faut t’appeler ^^) : merci pour la réponse sur ton blog, très intéressante. Il m’aurait fallu beauuuuucoup plus de temps et d’espace pour détailler l’analyse, et sans doute arriver à la conclusion que les ténors et sopranos couvrent encore de leur voix même les jeux les plus polyphoniques. Faut-il se débarrasser du joueur en plus de l’auteur ? ;) Comment lui permettre de faire entendre sa voix tout en laissant exister celle des autres ? On ne fait qu’ouvrir le débat.

  • Nicolas J.

    Intéressant, documenté et clair: Merci!
    Tu pourrais aussi trouver chez Bakthine la notion de « chronotope » qui s’applique facilement à une analyse de la narration interactive de Bioshok.
    Il y a en effet un jeu continu sur le rapport au temps de rapture: la notion de progrés au coeur de la propagande visuelle et sonore de Rapture vient rencontrer la vision de ruine et de dégénérescence qu’expérimente le joueur lors de son aventure.
    En plus de cette rencontre permanente de ces deux rapports à l’histoire dans un même lieu, chaque espace qu’explore le joueur va servir de cadre à des récits biographiques que collecte le joueur et qu’il décide ou non d’écouter en découvrant et décryptant les traces d’une histoire. Ces récits vont créer des liens complexes entre le présent et le passé…jusqu’à que le joueur, qui pense être extérieur à cette histoire et donc un personnage du présent, se retrouve lui aussi lié par son histoire à Rapture, à son passé et à son avenir.

    Merci encore pour ton analyse, ça m’a donné envie de jouer à Expérience 112…pour Alan Wake, un article de Gamasutra me fait grandement hésiter, et en cette période plus que faste question jeux, il faut choisir ;-)
    http://www.gamasutra.com/view/news/27442/Analysis_Why_Alan_Wake_Is_Too_WellMade_To_Work.php
    Au plaisir de suivre ton blog!

  • Je ne connaissais pas ce concept, c’est super intéressant. En tout cas, c’est vrai que ce rapport au temps que tu décris très bien est sans doute ce qui m’a le plus accrochée dans Bioshock. Il y a un côté tragique à juxtaposer les grandes espérances et leur échec patent. C’est un peu notre regard contemporain sur les années 50, une nostalgie d’une époque factice où tout paraissait beau, bon, prometteur, alors qu’aujourd’hui la tendance est à la prophétie de fin du monde. :) (en même temps ils avaient la bombe pour ça à l’époque).

    Au sujet d’Alan Wake, je comprends le point de vue de Leigh Alexander sur le trop grand confort de jeu qui nuit à l’inquiétude, c’est assez juste, mais ça ne m’a pas empêchée d’apprécier vraiment ce jeu. Je suis peut-être impressionnable ^^ ou alors c’est le fait d’y jouer la nuit avec le son à fond et les lumières éteintes dans l’appart, mais j’ai vraiment souvent sursauté et eu des sueurs froides. Je conseille néanmoins d’y jouer en choisissant une difficulté accrue, sinon c’est vrai que l’abondance de munitions a tendance à rassurer. Mais dans tous les cas, la façon dont est racontée l’histoire a suffit à me faire adhérer au récit. J’ai entendu dire que les ventes étaient décevantes pour l’instant, et je trouve ça dommage, c’est un jeu profond, soigné, et que perso j’ai eu du mal à lâcher. Vivement les DLC :)

  • Un bon article sur les techniques narratives dans Alan Wake et pourquoi l’auteur pense que ce jeu pose les bases du langage vidéo-ludique : http://www.gamesradar.com/f/why-alan-wake-has-the-best-video-game-story-telling-in-years/a-2010062310199644021

  • […] parfait exemple de narration réellement interactive, dont je promettais de parler en réponse à un article de Sachka, avant de lâchement passer à autre […]

  • […] tales to roman de genre… well, my favorite redhead, Sachka, had already told a lot about it on her blog, but it’s in French, so if you can’t that, well, you’re screwed, ’cause she […]

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