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Gameplay de l’intervalle : éloge du feu de camp

Article initialement publié sur Merlanfrit.net

On pourrait dire que l’exploration commence au moment où on ne peut plus rentrer chez soi avant la nuit : trop tard pour faire demi-tour, le cordon de sécurité invisible qui nous rattache au foyer est rompu. C’est ce fameux « pas » que Sam le Hobbit hésite à faire au début de l’aventure, quand il sait qu’il n’aura alors jamais été aussi loin de chez lui.

On pourrait dire aussi que l’exploration commence au moment où le paysage n’est plus déchiffrable en termes de points de repères et de lignes de vue familières : au moment où on ne peut plus se dire que la maison est juste à gauche du grand arbre après le ruisseau, parce qu’il y a trop d’arbres et trop de ruisseaux. Au moment où cette montagne dont on connaît par cœur la silhouette devient méconnaissable.

Les MMORPG et les jeux à « mondes ouverts » proposent de vastes étendues à explorer : des horizons brumeux et des destinations lointaines. Les distances se calculent alors comme autrefois, en durée : en nombre de jours de marche ou de chevauchée, c’est-à-dire en nombre de nuits passées en dehors du foyer, loin de toutes les commodités de gameplay qu’il propose (zone de sécurité, coffres pour ranger ses affaires, station de « crafting », services divers…). On pourrait alors compter les distances en nombre de feux de camp allumés en chemin.

Le feu de camp c’est un peu un chez-soi temporaire ou portatif : une façon de marquer un point sur une carte où il n’y en a pas, de créer une destination intermédiaire, en attendant d’arriver quelque part. Le campement de fortune propose un gameplay de l’intervalle, entre deux donjons, et permet de vivre le temps et le rythme du voyage, et de prendre la mesure du chemin parcouru.

PREMIÈRE ÉPOQUE : L’AGE DES CAVERNES

Dans Minecraft, le joueur commence tout nu : pas de maison, pas d’arme ni même d’outil, il en est réduit à couper des arbres à mains nues pour se fabriquer le minimum vital. Il doit faire vite car une fois la nuit tombée il sera à la merci des multiples monstres qui peupleront le monde. Contrairement à beaucoup d’autres jeux, Minecraft nous fait subir une nuit réellement noire : sans source de lumière, on n’y voit pas grand-chose, et on se fait facilement surprendre par le grognement d’un zombie qu’on n’avait pas vu venir. C’est alors une peur primale qui s’empare du joueur : il faut trouver un abri, vite, et s’y terrer en attendant les premières lueurs du matin qui chasseront les monstres et les ombres pleines de danger. Faute d’équipement, on se retrouve alors à gratter la terre avec ses ongles, pour se faire un trou que l’on refermera derrière soi avec quelques mottes, on est presque au stade de l’animal. Si on a de la chance, on aura trouvé un peu de charbon, et on pourra se fabriquer des torches pour éclairer notre caverne : quel soulagement, et quel progrès ! Les monstres n’apparaissent pas dans les zones suffisamment éclairées : pour peu qu’on ait pris soin de poser suffisamment de torches et de bien boucher les issues, on est tranquille pour la nuit.

Ainsi quand le joueur part en exploration dans Minecraft, il emporte toujours son lot de torches avec lui, et on pourrait suivre son périple en suivant les cavernes plus ou moins aménagées qu’il laisse derrière lui. Quand il est mieux outillé, ces cavernes primitives deviennent même de véritables camps de base comme on en ferait au pied d’un sommet qu’on s’apprête à gravir : le joueur y construit un atelier pour renouveler ses outils, un four pour transformer les matières premières récoltées, un coffre pour les entreposer, un lit pour sauvegarder son point de respawn… De loin, le four et les torches rougeoient et servent de point de repère rassurant. Puis quand le périmètre n’a plus rien à offrir, le joueur remballe toutes ses installations et repart s’installer ailleurs, laissant, s’il est prévoyant, un monticule de pierres surmonté d’une torche – ou tout autre signe de son invention – pour se souvenir qu’il est passé par ici. Explorer c’est construire le paysage, le rendre lisible : marquer de croix et de pointillés le monde comme une carte grandeur nature. Pas étonnant que les monstres les plus redoutables soient des créatures qui « déconstruisent » : les creepers qui explosent et volatilisent le terrain, ou les endermen qui en subtilisent des portions pour les déposer ailleurs.

Le feu dans Minecraft est vital, essentiel : sans lui, pas de survie la nuit, pas de points de repère que l’on peut guetter de loin, et donc, pas d’exploration. L’exploration est ici une guerre du feu, une conquête de territoire par la lumière, littéralement.

DEUXIÈME ÉPOQUE : LE COWBOY PRESSÉ

Le feu de camp aurait pu être un élément essentiel dans un jeu « western ». On imagine sans peine le réconfort qu’il pourrait constituer au milieu des étendues désertes qui séparent les petites villes. Le héros aurait pu dormir à côté sans crainte des animaux sauvages la nuit, ou encore y faire cuire du gibier de fortune ou une boîte de haricots, ou même dégainer l’harmonica. Il aurait pu soigner ses blessures et cautériser ses plaies à la virile, ou bien se préparer des décoctions de plantes des montagnes s’il était plus douillet. Autant d’occasions de gameplay manquées, d’occasions loupées de faire exister les distances et les durées, dans Red Dead Redemption, le jeu de cow-boys qui rate complètement son rendez-vous avec le feu de camp.

Le feu de camp existe pourtant, mais n’a qu’une seule utilité : celle de zapper les trajets. Le joueur indique la destination désirée sur sa carte, ordonne à son cow-boy d’installer un feu de camp, et hop ! Le temps d’une cutscene il se retrouve arrivé à bon port. Ceci n’ayant aucun « coût », le joueur peut l’utiliser systématiquement, perdant ainsi toute notion de longueur de trajet, de solitude de la chevauchée, et surtout tout le côté « cinémascope » de la contemplation des horizons sans fin. C’est un non-sens pour le western. Un non-sens déjà présent dans la gestion sans queue ni tête des chevaux. Le cheval était le bien le plus précieux du cowboy : perdre son cheval en plein désert, c’était la mort assurée. C’était parfois un compagnon de route qui avait un nom, une extension de soi qui rendait le héros reconnaissable : l’homme au cheval noir, au cheval blanc, au poney indien… Le cheval était précieux, et les voleurs ou tueurs de chevaux étaient pendus. Dans RDR au contraire, le cheval est jetable : on le tue sans faire exprès, peu importe, on peut le dépecer et en siffler un autre, qui accourra, magiquement.

Le jeu propose d’autres moyens de transport : l’histoire se situe en 1911, et on veut nous montrer la fin de l’ère des cowboys. Le héros peut donc emprunter le train qui relie entre eux les îlots de civilisation. On a aussi l’occasion d’utiliser la diligence ou des chariots divers, et même, plus tard dans l’aventure, de croiser une automobile. Mais si Marston est un homme du passé, qui ne peut survivre à ce changement d’époque, pourquoi est-il si pressé ? Pourquoi ne se sent-il pas chez lui au milieu des grandes plaines, pourtant le seul endroit où il devrait se sentir libre, sans famille, sans mission ? Pourquoi le jeu n’invite-t-il pas le joueur à se sentir chez lui quand il est au milieu de nulle part ? N’est-ce pas contradictoire avec la célébration nostalgique du Western en fin de gloire ? Dans RDR le gameplay travaille bizarrement contre son propre univers. Le feu de camp y est la négation de l’exploration.

TROISIÈME ÉPOQUE : LE KIT DE FEU DE CAMP CUSTOMISABLE

Pourtant le feu de camp est loin d’être antinomique avec l’idée de modernité motorisée : le MMORPG Star Wars Galaxies (qui sera malheureusement arrêté en décembre prochain – voir à ce sujet le mot de son designer, Raph Koster) en propose une version totalement futuriste. L’établissement d’un campement en pleine nature est l’une des nombreuses compétences que les joueurs peuvent acquérir, et comme toutes les compétences elle s’améliore par la pratique, permettant l’accès à des campements de plus en plus élaborés. On commençait par un simple feu de bois près d’une toile de tente, et on finissait avec une véritable base comprenant aussi bien des stations de crafting et de clonage, que des commerçants ou des recruteurs de l’Empire. De quoi réellement organiser toutes sortes de scénarios, de la partie de chasse au commando en mission. Le positionnement du camp devenait alors vraiment stratégique en fonction de l’objectif des joueurs, d’autant plus qu’il avait une durée de vie au bout de laquelle il disparaissait.

Le jeu offrait une extraordinaire liberté d’exploration puisqu’on pouvait y voyager sur de multiples planètes différentes, plus ou moins hospitalières. Chacune possédait des villes et de grandes étendues sauvages, et parfois au fin fond de la map, des bases secrètes rebelles. Mais surtout le jeu permettait aux joueurs de construire leurs propres maisons, boutiques et bâtiments officiels, dont le campement n’était qu’une version limitée et temporaire. A moins qu’au contraire ces structures ne soient simplement une version améliorée et durable du campement puisqu’on pouvait les « désinstaller » pour déménager. Les joueurs pouvaient même s’approprier le sous-sol des planètes, grâce à des stations d’extraction à poser soi-même.

Une telle maîtrise du terrain était exceptionnelle. Il n’en est pas question par exemple dans World of Warcraft, mais ce dernier jeu propose toutefois à n’importe quel joueur d’allumer un feu de bois n’importe où. Le feu procure un bonus, comme s’il réchauffait ; il permet de faire cuire de la nourriture. Il n’est généralement pas très utile ni efficace, mais c’est malgré tout une des seules possibilités pour les joueurs d’organiser l’espace, de créer un point de rassemblement, et d’avoir un impact – temporaire – sur l’environnement.

Dans SWG les joueurs n’étaient plus des touristes dans un monde préfabriqué, à la façon des attractions dans lesquelles on traverse en canot une série de tableaux pittoresques : il était vraiment possible de prendre possession du monde, de le façonner, de s’y installer. Il était possible de partir explorer pendant des semaines sans voir la civilisation, en dormant sous la tente. Il était possible de trouver une vallée accueillante et d’y construire un village. Finalement ce MMORPG de science-fiction avait un gameplay bien plus « western » que RDR.

Le feu de camp symbolise tout cela : la volonté et la possibilité de s’immerger totalement dans un monde, d’y passer du temps. Le gameplay du feu de camp est celui des creux et des intervalles ; c’est pour les joueurs le désir très « roleplay » de ne pas courir après les objectifs, mais plutôt de prendre le temps d’être un habitant d’un monde imaginaire ; c’est pour les concepteurs la volonté de raconter une aventure au long cours, dans laquelle les moments de calme sont aussi importants que l’épopée.

5 comments to Gameplay de l’intervalle : éloge du feu de camp

  • Un article très sympathique, j’ignorais que SWG permettait autant de choses.

    Sinon dans Fallout New Vegas, le feu de camp est indispensable pour faire sa popote et améliorer le goût et les qualités nutritives des morceaux de bestioles. Plus la bestiole est immangeable et plus la recette nécessite d’ingrédients pour l’assaisonner. Je suis fan du kebab de gecko…

  • SWG était vraiment excellent et différent de ce qui se faisait ailleurs. Je ne suis hélas pas du tout aussi convaincue par Star Wars : The Old Republic dont je participe au beta-test ces jours-ci.

    Sympa ce que tu décris de New Vegas. J’en entends beaucoup de bien, ça me donne vraiment envie de le faire (j’avais laissé tomber Fallout 3 assez rapidement, ça m’avait pas trop accrochée, mais apparemment New Vegas est plus intéressant).

  • Je découvre ce site et j’avoue être sous le charme :)
    Très bien rédigé et présenté, sur des sujets d’articles vraiment intéressants. Bref, en favori direct !

    Bref tout ça pour dire que cette réflexion sur le feu dans les jeux me fait penser à Dark Souls. D’une part, le feu est au centre de l’univers présenté dans le jeu. Il fait partie de la mythologie et a donc un traitement spécial, bien plus qu’un détail important d’un autre jeu. Les foyers, trouvés ça et là au cours de l’aventure, représentent un véritable havre de paix. C’est en fait les seuls endroits où vous serez en sécurité. La difficulté assez élevée du jeu vous oblige à vous sentir bien, à être soulagé lorsque vous trouver un feu. Vous vous asseyez à côté, récupérer vos points de vie, vos fioles de régénération, réparer votre équipement ou dépenser vos points d’expérience pour monter de niveau. Un petit coin de paradis en enfer, en quelque sorte :)

  • Merci beaucoup ^^
    Je n’ai pas joué à Dark Souls, mais quelqu’un l’avait aussi mentionné dans les commentaires sur Merlanfrit. Apparemment c’est en effet tout à fait dans le sujet !

  • (oui je découvre Merlanfrit, très chouette également :) )

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