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Mars contre-attaque !

Article initialement publié sur Merlanfrit.net

 

 

Ils sont verts, ils sont méchants, ils en veulent à votre corps. Non, ce ne sont pas les zombies, ce sont les hommes venus de Mars ! Le retour d’un vieux cliché dans le jeu vidéo ?

Vous en avez assez des zombies, vous ne supportez plus les jeux qui en vomissent par camions, et pourtant vous n’avez pas fini de devoir les supporter. Mais patience, l’ère du Martien approche !

Comme le zombie, le Martien offre un ennemi facile à détester car profondément méchant et irréversiblement différent. Et comme le zombie, le Martien est en même temps une version en miroir de l’être humain. Démarche ou silhouette grotesque, déformée, caricaturant le corps malhabile avec lequel nous vivons, jetant à la face de nos ambitions une irrémédiable mortalité, une décrépitude de la chair et de l’âme, ou bien encore un inévitable mauvais fond – colère, envie, cruauté, égoïsme… – que l’on combat aussi bien chez ses semblables que chez soi-même. « L’enfer c’est les autres » pourrait se dire « L’enfer c’est l’alien » !

 

 

Comme le zombie, le Martien repose sur une longue culture cinématographique, faite de chefs d’œuvre plus ou moins douteux (toutes les déclinaisons de Invaders from Mars, The Day Mars Invaded Earth, The Angry Red Planet et autres Devil Girl From Mars… mais aussi War of the Worlds ou Forbidden Planet – bien qu’il ne s’agisse pas de Mars pour cette dernière). Le martien y est tantôt le Mal pur, tantôt le support d’un message : Mars – ou toute planète habitable imaginaire – est le double de la planète Terre, une possibilité de nouvelle civilisation.

De nombreux jeux se promettent actuellement d’explorer le thème martien, selon ces deux approches.

Au rayon des parodies rétro, on trouve deux jeux de type « tower defense« . Le premier est sorti récemment et s’intitule Unstoppable Gorg. L’ennemi n’est pas martien à proprement parler, mais le jeu reprend toute l’imagerie des films de SF des années 50, allant jusqu’à inclure pour chaque mission des vidéos d’intro et outro en noir et blanc, avec des soucoupes volantes attachées à un fil de nylon, et des aliens aux grands yeux de mouche. On y rencontre donc la nation de Gorg, ainsi que des robots vivants dans le soleil, et de terribles cerveaux télépathes. L’ambiance rétro est totalement réussie.

 


Le second jeu est en cours de développement chez le tout jeune studio français Lightmare : Beware Planet Earth. Ici l’inspiration rétro très cartoon est assumée, même si elle semble surtout devoir au film Mars Attacks de Tim Burton, avec ses Martiens hydrocéphales. L’équipe explique sur son blog toute une série de réflexions sur ses sources d’inspiration et ses objectifs en termes de design, à suivre ici

D’autres jeux, toujours dans le registre parodique, s’octroient une parenthèse martienne, alors que le décor principal est terrien, comme le DLC de Iron Brigade, Rise of the Martian Bear, qui transporte l’action sur Mars, ou encore comme le dénouement de Saints Row The Third, qui fait de notre personnage le héros d’un film de genre furieusement rétro. Mars c’est un peu le « one step beyond » : que peut-on faire quand tout est déjà over the top, quand on est déjà au summum du n’importe quoi ? Eh bien on envoie l’histoire sur Mars ! (A noter que dans le cas de Volition, c’est aussi un clin d’œil à leur série Red Faction)

 


Mais d’autres projets optent pour l’approche plus sérieuse et humaniste du thème martien, il s’agit de deux projets indies, dont l’un est financé par le biais du crowdfunding. Il s’agit de Lifeless Planet, dont on peut également suivre le développement via le blog dédié. Ici aussi on ne voyagera pas exactement sur Mars, mais sur une planète rougeâtre semblable à la Terre, une jumelle de Mars. Alors que la planète semble déserte, on y découvre de curieuses traces d’exploration soviétique. Le jeu devrait passer en bêta d’ici quelques semaines, et semble très prometteur, tant l’auteur semble attaché à l’idée de créer avant tout un jeu d’aventure atmosphérique, sans aller chercher dans les sempiternels modèles guerriers. 

 


Enfin l’autre projet martien qui nous promet une planète à explorer sortira sur iPhone et iPad dans très peu de temps : Waking Mars, par Tigerstyle Games, les créateurs du génial Spider. Le jeu aborde la question de l’exploration et de la terraformation d’un point de vue assez scientifique, en imaginant un gameplay fait à la fois de plateforme et de « jardinage » selon les termes du développeur (également un blog à suivre ici). Si le niveau narratif égale celui de Spider, cela devrait être très intéressant. 

 

 

Si les Martiens pouvaient cristalliser à une époque l’ennemi redouté dans la vie réelle (les Soviétiques par exemple) et jouer sur un sentiment de paranoïa largement répandu, ils sont dénués aujourd’hui d’un quelconque sous-entendu politique (à moins que… ?), et font simplement office de support parodique à un jeu d’extermination joyeuse.

En revanche dans les jeux non parodiques, Mars est une incitation à la découverte, une poésie du mystère et des possibles, soutenues par un gameplay non guerrier.

Espérons donc que ces différentes aventures martiennes sauront renouveler le gimmick du petit homme vert !

Choix intéressants et narration interactive

Article précédemment publié sur Merlanfrit.net dans le cadre de la thématique « Le jeu d’aventure bouge encore »


Selon la fameuse phrase du game designer Sid Meier un bon jeu est « une suite de choix intéressants ». Un choix est intéressant à plusieurs conditions, il détaille cette affirmation ainsi : il ne doit pas y avoir une option clairement meilleure que les autres (sinon le choix est facile à faire), mais les options ne doivent pas être toutes également satisfaisantes (sinon le choix est ennuyeux), et le joueur doit pouvoir effectuer son choix en connaissance de cause (pour éviter l’impression de hasard ou de triche). En bref un choix c’est de la réflexion et de la prise de risque.

Bien sûr Meier avait plutôt en tête le jeu de stratégie, mais cela pourrait probablement s’appliquer aux jeux d’aventure à narration non-linéaire et aux scénarios à embranchements.

On connaît tous la petite déception devant un choix de dialogues, au moment où on s’aperçoit qu’il faudra poser toutes les questions, et que l’ordre dans lequel on les pose n’a aucune incidence sur la réaction du personnage. Aucun choix intéressant ici, simplement un geste mécanique pour débloquer la suite de l’histoire. Dans L.A. Noire on avait failli y croire puisqu’on devait interroger les suspects et choisir parmi plusieurs réponses différentes selon que l’on doutait ou pas de la sincérité de l’interlocuteur. Mais c’était une illusion, au final peu importait le choix du joueur, l’enquête finissait toujours de la même manière.

RÉUSSIR OU MOURIR

Heavy Rain avait tenté de proposer de réelles conséquences aux actions du joueur : la fin de l’histoire pouvait être complètement différente selon le cheminement suivi, et le risque pris à chaque pas était réel puisque tous les personnages principaux pouvaient mourir. Cependant était-ce vraiment un « risque » ? Heavy Rain proposait plutôt une sorte de scénarisation du game over : on pouvait réussir telle séquence (fuir la police, trouver un indice…) ou échouer. Un jeu vidéo normal nous demanderait de recommencer jusqu’à réussir ; ici on pouvait passer outre et vivre avec son échec. On peut difficilement parler de choix dans ces conditions : le joueur n’a pas les informations nécessaires sur ce qui va se passer, et bien entendu, l’échec n’est pas une option sciemment choisie. C’est effectivement un scénario à embranchements, mais sans stratégie pour le joueur, sans « choix intéressants ». Les différentes fins, comportant tout un panel de dénouements particulièrement désastreux, étaient surtout un catalogue des différentes façons d’avoir échoué. Bien sûr l’expérience de la frustration et de l’impuissance peut être narrativement intéressante, mais c’est un autre débat.

Comment alors construire un scénario à choix intéressants ?

On peut tabler sur des variations subtiles d’un même scénario, comme par exemple quand on propose de répondre à un personnage sur différents tons : agressif, amical, neutre… à la façon des Mass Effect. Mais on se rapproche alors de scénarisation RPG et on s’éloigne de l’idée d’un scénario impacté par le joueur, un scénario RPG étant par essence construit pour rester un emballage valable quelle que soit la cuisine que fait le joueur à l’intérieur. Pour celui-ci il s’agit donc davantage de choix stratégiques (faction, compagnon, alignement, style de combat…) que de choix scénaristiques.

La conception narrative d’un jeu relève toujours du casse-tête quand il s’agit de proposer des choix nombreux et significatifs au joueur. Et le casse-tête s’intensifie lorsque les embranchements interviennent aussi bien au niveau macro (des branches de scénario qu’il faut raccorder entre elles) qu’au niveau micro (des choix de dialogues ou d’action pendant une séquence). Le schéma scénaristique d’ensemble devient tellement touffu qu’il est extrêmement difficile de s’en faire une vision synthétique, ou de s’assurer que chaque détail est cohérent dans n’importe quel embranchement narratif. On atteint réellement des limites de lisibilité avec des outils comme Word et ses hyperliens ou Excel, et même avec des outils conçus exprès pour ça, comme Articy:Draft. Sans parler du fait qu’on risque l’explosion en termes d’assets et de mémoire nécessaire pour faire tourner le jeu si on prévoit trop de scènes facultatives.

AUJOURD’HUI OU PEUT-ÊTRE DEMAIN



Une autre solution consiste à donner au joueur la liberté de son agenda. Cela suppose un jeu à monde ouvert, en temps réel. Parce que si le temps du jeu est suspendu jusqu’à ce que le joueur finisse par effectuer l’action voulue, on perd évidemment l’impression du libre choix. Il faut au contraire permettre au joueur de décider librement de son planning du jour, qu’il décide d’aller droit au but ou de reporter sa mission principale. Deadly Premonition en est le meilleur exemple : il arrive que le héros ait un rendez-vous à une heure précise de la journée. Le joueur peut s’y rendre ou bien décider de faire autre chose : le temps passera malgré tout, de façon naturelle, et le rendez-vous sera reporté au lendemain. Il est donc possible de suivre la trame principale sur quelques jours ou sur quelques semaines, selon le rythme désiré, et de se livrer à différentes activités dans l’intervalle. Cette liberté de « timing », notion cruciale pour Swery65, permettait de construire un lien intime avec le personnage principal (voir aussi notre article dédié à l’usage du trivial dans cette même optique).

CROISER LA BIMBO OU LA PUNKETTE

A défaut d’avoir à disposition un open world apparemment vivant et indépendant, il est aussi possible pour le jeu de collecter une série d’informations sur le comportement du joueur, afin de légèrement orienter le scénario d’une façon ou d’une autre, et ainsi donner l’impression que ses choix modèlent l’histoire. A un niveau balbutiant cela donne Bioshock, qui comptabilise le nombre de bonnes et mauvaises actions envers les « petites sœurs », et traduit cela en quelques avantages tactiques et en différentes cinématiques de fin.

A un niveau plus sophistiqué, cela donne Silent Hill : Shattered Memories, qui établit littéralement un profil psychologique du joueur et adapte les dialogues et jusqu’à l’apparence des personnages rencontrés en fonction de cela. Pour ce faire, le jeu utilise des questions directes, et même des tests psychologiques classiques (les fameuses taches de Rorschach), mais il va plus loin que ça en analysant les faits et gestes du joueur : ce qu’il regarde, sur quoi il s’attarde, comment il se dirige dans l’environnement… Ainsi sans en avoir toujours conscience, en jouant on fait en permanence des choix qui impactent le scénario de manière parfois radicale. Les différentes branches scénaristiques ne sont pas bonnes ou mauvaises – il y a d’ailleurs un éventail de cinq profils-types, elles reflètent simplement la personnalité que le joueur choisit d’imprimer au héros.

Un jeu d’aventure peut donc proposer quelques fluctuations en fonction de variables et de paramètres collectés au fil de la partie, de manière plus naturelle et transparente que par des choix de dialogues à l’ancienne.

SAUVER L’HOMME-POULPE OU DRAGUER LE POÈTE

On a vu récemment apparaître un autre modèle de jeu offrant une narration non-linéaire, une bizarrerie mariant jeu textuel et open-world : Echo Bazaar. Le joueur incarne un personnage, dans un Londres victorien qui aurait sombré sous terre si profondément que la lumière du jour n’y serait plus visible. Il n’y a pas de trame principale à proprement parler, même si on peut suivre quelques fils conducteurs sur la durée. Il s’agit plutôt d’y vivre le quotidien du personnage. Pour ce faire on joue des « storylets », des bribes de scénario représentées sous forme de cartes : telle carte permet d’aller cambrioler une bijouterie, telle autre d’enquêter sur un médium, telle autre de séduire un poète fauché… Chaque carte requiert des conditions pour pouvoir être jouée, mais une fois les conditions remplies, on peut jouer n’importe quelle carte à n’importe quel moment.

Chaque mini-scénario peut tenir un une seule carte ou bien se raconter au fil d’une quinzaine de textes. Dans tous les cas, le joueur décide absolument de tout : quelle histoire suivre, comment occuper sa journée, comment gagner sa vie, où loger et quel quartier de la ville arpenter, qui fréquenter et quelle conduite morale tenir… Les actions sont plus ou moins difficiles à réussir et dépendent de compétences acquises, mais le joueur peut aussi choisir quelle dose de risque accepter, et écrire ainsi son histoire. Elles sont suffisamment neutres pour pouvoir êtres répétées plusieurs fois, comme un travail ou une habitude, imprimant au jeu une ambiance de quotidienneté.

Ce sont des couches de micro-narrations indépendantes qui sont superposées : leur multiplicité et leur désynchronisation compensent leur linéarité. Et l’usage de simples textes illustrés d’images génériques permet de prévoir un nombre incroyable de ces mini-scénarios. Le jeu en son état actuel, lancé depuis 2009, représente un travail d’écriture réellement phénoménal. Il y a tellement d’histoires à vivre qu’au bout de quelques semaines on a réellement l’impression d’avoir lu un roman entier situé à « Fallen London » et d’y avoir vu vivre toute sa pittoresque population. On a aussi réellement l’impression de s’être approprié le personnage, puisque son histoire est à chaque instant un choix : faut-il défendre un homme-poulpe agressé par la foule ou bien le détrousser ? Faut-il écrire des vers sur le ciel perdu ou bien des pamphlets anarchistes ? Faut-il se livrer au trafic de belettes ou bien parier aux combats d’araignées ?

Ces différentes expériences narratives de choix intéressants sont sans doute le début de possibilités bien plus vastes, tant il est vrai que les auteurs sont souvent limités par la technique. L’avenir de la narration interactive sera fait de mondes ouverts, de personnages dotés d’intelligence artificielle psychologique capable de répondre à n’importe quoi… Et sûrement de bien d’autres idées neuves pour une implication grandissante du joueur dans l’histoire, sans appauvrir cette dernière.

Le poupon fantôme

Vue sur l’appartement abandonné juste à côté, de la fenêtre de notre salle de bain… Un poupon au crâne défoncé est apparu depuis aujourd’hui, enfin en tout cas je ne l’avais jamais remarqué avant. Il a l’air de léviter, vu d’ici.

UPDATE : hier 21 février, il a disparu, aussi soudainement et mystérieusement qu’il était apparu. Quelle était sa mission ? Où est-il allé ?

 

Le charme mystérieux de la chambre d’hôtel

Article précédemment publié sur Merlanfrit.net dans le cadre de la thématique « Le jeu d’aventure bouge encore »

L’hôtel est un lieu – presque un lieu commun – du roman ou du film d’enquête. Un lieu de passage, un refuge anonyme. La chambre d’hôtel, nettoyée chaque jour, est un espace en apparence vierge de toute histoire ancienne. Autant dire qu’elle fournit un cadre parfait pour une histoire policière : tout y est signe d’une activité récente, tout y est indice.

Les chambres, normalement identiques, sont seulement marquées par le séjour des actuels résidents, dans un subtil jeu des sept différences : les bagages sont-ils défaits ? Les draps sont-ils encore chauds ? Le papier à lettre à en-tête a-t-il servi ?

L’hôtel romancé, qu’il soit luxueux comme dans L’Année dernière à Marienbad ou populaire comme dans Hôtel du Nord, accueille des visiteurs à la dérive, venus s’échouer là plutôt qu’accoster pour le plaisir. Jeunes femmes amnésiques, VRP taciturnes, amoureux suicidaires… Les couloirs de l’hôtel, la salle à manger, sont des lieux où le récit entrecroise des destins incertains et esquisse des portraits en demi-teinte.

Est-ce une coïncidence si les deux jeux d’aventure du studio Cing mettant en scène l’ex-flic Kyle Hyde se situent dans un hôtel ? Hotel Dusk : room 215 (sorti en 2007 sur Nintendo DS), puis Last Window : The Secret of Cape West (2010) : chaque jeu porte dans son titre le nom de l’établissement.

Chaque histoire se situe entièrement dans son hôtel respectif, dans lequel le héros a pris une chambre. Et comme dans toute bonne histoire de mystère, si tout le monde a l’air d’être là par hasard, on finit par comprendre que chaque personnage a de secrètes raisons de s’intéresser aux lieux, et que si coupable il y a, il fait forcément partie des résidents.

L’hôtel Dusk est un petit hôtel assez miteux au milieu du sud-ouest américain. Le patron et la femme de chambre sont trop mal embouchés pour être honnêtes, et parmi une galerie de personnages aux origines sociales incompatibles, le suspense se focalisera sur une jeune fille muette arrivée en stop sans argent ni bagages, un prospectus de l’établissement à la main.

L’hôtel Cape West était au contraire une résidence de luxe, dont les soirées étaient autrefois réputées. Ses chambres sont maintenant louées comme appartements, mais il est promis à la destruction. Même si les personnages y sont « chez eux », les studios ont conservé leur format de chambres d’hôtel et leurs fantômes du passé… Et puis tout le monde s’active à faire ses bagages, sous le coup de l’avis d’expulsion : là encore, on y est « de passage » et le temps est compté. Pourquoi cette soudaine décision de la part de la très élégante propriétaire ? Pourquoi l’accès au dernier étage, resté inviolé depuis treize ans, figé dans son luxe poussiéreux, est-il interdit ?

Le joueur devra donc guider les pas de Kyle Hyde afin d’explorer ces deux hôtels en douce : s’introduire dans les chambres, fouiller la cave, visiter le toit, subtiliser des clefs chez la direction… Le gameplay est tout en arpentage de couloirs, aux aguets pour découvrir qui parle avec qui, qui quitte sa chambre en pleine nuit… C’est une temporalité particulière qui s’instaure, un temps entre parenthèses, différent du métro-boulot-dodo, puisque les personnages ne travaillent pas. Le quotidien est rythmé par les horaires d’ouverture du restaurant et les petites habitudes de chacun.

D’autres jeux ont tiré parti de ce contexte hôtelier en utilisant le temps réel : dans Gabriel Knight 3 (un hôtel du sud de la France – 1999) ou dans L’Île noyée (un hôtel construit par un milliardaire sur une île sur le point d’être engloutie, d’après la BD de Sokal – 2007), le héros devait également mener l’enquête parmi les résidents d’un hôtel – tous suspects bien sûr – en surveillant leurs allers et venues pour surprendre une conversation au bon moment. Si le moment était passé, tant pis, c’était une information en moins pour le joueur. Cette utilisation du temps réel était encore plus frappante dans The Last Express, dans lequel le train tenait lieu d’hôtel en huis-clos.

Ce parti-pris du huis-clos peut sembler artificiel narrativement et peu réaliste. Dans Last Window par exemple, on est en pleine ville, rien n’empêcherait a priori le jeu de s’étendre au-delà des portes de l’hôtel. Mais c’est pourtant ce qui fonde tout le plaisir du casse-tête et de l’énigme, un plaisir presque théorique qui recourt pour résoudre le mystère autant à la logique qu’à la psychologie : toutes les clefs sont là, à portée, et s’offrent en défi à l’intelligence de qui veut s’y frotter. Si ce système fonctionne merveilleusement bien dans les romans ou les films, il constitue une mine d’or pour le gameplay d’un jeu vidéo.

Cela relève bien sûr de vieilles méthodes d’enquête, qui ne comptaient pas trop sur les analyses ADN ou les empreintes digitales, mais plutôt sur l’observation et la déduction, d’une manière vraiment ludique. Tellement ludique que certains apprentis détectives ont pu utiliser dans les années 30 des jouets, des maisons de poupées pour reconstituer des cas de meurtres non élucidés. Ces petites scènes macabres aux taches de sang dûment reproduites ont été conservées, et on peut encore aujourd’hui se demander qui a tué les Judson alors que la chambre était fermée de l’intérieur…

Cette économie de moyens dans la mise en scène du mystère et des outils pour le démêler a aussi produit le sous-genre du jeu « escape the room » : le joueur est prisonnier d’une pièce unique, et doit y chercher les moyens de s’évader. Généralement très neutre au premier regard, la chambre se révèle en réalité truffées d’énigmes et de codes à déchiffrer. Depuis les fameuses « Crimson Room » et surtout « Viridian Room » en 2004, le genre a connu toutes les déclinaisons imaginables, de la chambre d’hôtel au bureau design en passant par la chambre d’enfant, de l’ambiance traditionnelle japonaise à des contextes plus SF… On en trouve une sélection très complète ici.

C’est un peu le summum de l’enquête en chambre, le jeu d’aventure réduit à sa plus simple expression, condensé au point où ce sont les énigmes seules qui portent l’histoire. Car en effet, quand le jeu, même aussi minimaliste, est bien fait, il y reste toujours un récit, distillé par les meubles, la décoration, les traces d’un précédent occupant. Une chambre d’hôtel n’est jamais si propre qu’elle ne raconte pas d’histoire : l’hôtel lui-même fait partie des personnages.